18 janvier 1909 : Les voleurs de chocolat

 « Le chocolat était volé en petite quantité, avec régularité, sans que personne n’arrive à mettre la main sur les coupables. »

Louise Abbéma, peintre, raconte, avec gourmandise et amusement, cette anecdote lue dans le journal du jour. Lors du thé auquel elle a eu la gentillesse de m’inviter, j’avais évoqué les liens entre certains de ses tableaux et des affiches pour la marque Poulain. Louise n’avait pas voulu trop s’étendre sur sa participation aux réclames du grand chocolatier et avait – pour faire diversion ? – commencé à raconter cette histoire.

—————-

louise-abema2.1232225902.jpg 

louise-abbema.1232225987.jpg

Louise Abbéma, « Matin d’avril, place de la Concorde » : le tableau et l’affiche de la réclame pour le chocolat Poulain

 Elle reprend : «  Le patron de la chocolaterie, M. Grondard, route d’Orléans, avait effectué plusieurs tentatives pour mettre la main sur les coupables. En vain. En désespoir de cause, il décide de se tourner vers la police de Montrouge. Il tombe sur un commissaire futé et persévérant qui fait établir une surveillance tout autour du bâtiment et interroge le voisinage.

On apprend bientôt qu’un certain Raveny, employé de la fabrique et concierge rue Edgar Quinet, vend du très bon chocolat à des prix défiant toute concurrence. Ce Raveny est rapidement arrêté et interrogé.

Il avoue avoir un complice au sein de son usine mais se refuse à en dire plus.

Le commissaire, persuadé que l’affaire a une plus grande ampleur que ne le laissent penser les aveux du suspect, décide d’un stratagème. Avant-hier, il fait poster des hommes en fin de journée, à la sortie de la fabrique avec pour mission de s’opposer à toute sortie du personnel qui doit rester enfermé dans les vestiaires.

Pendant que les innocents se demandent pourquoi les forces de l’ordre viennent de prendre une telle décision, les coupables sont pris de panique. Ils essaient tous, avec une maladresse digne des Pieds Nickelés, de se débarrasser de leur butin. En quelques instants, le sol est jonché de tablettes et de morceaux de chocolat. Les poches tâchées et retournées d’une trentaine d’ouvriers honteux, la présence de délicieuses barres marron à leurs pieds, conduit à leur interpellation.

Les employés indélicats sont immédiatement congédiés.

La police estime à plus de 25 000 francs par an, le montant des vols commis ! »

Les convives s’esclaffent.

Je reste silencieux, perdu dans mes pensées et concentrant mon regard sur ce tableau de Louise accroché au mur, Matin d’avril, place de la Concorde, une œuvre que je ne connaissais que sous la forme qu’elle avait prise pour orner les belles boîtes de chocolat Poulain. Sur la toile, cette même femme au sourire énigmatique qui m’avait fait rêver étant étudiant.

Louise, attentive, m’observe et met tire de mes songes et souvenirs par une question espiègle :

«  Vous êtes heureux de retrouver cette femme sur une vraie toile ? Vous vous livrez au jeu des sept différences entre ce qui est accroché au mur et la réclame Poulain ? » et elle ajoute, en reprenant le slogan du célèbre chocolatier :

« Monsieur le conseiller… goûtez et comparez ! » 

louise-abbema-autoportrait.1232226886.jpg

Louise Abbéma, autoportrait

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑