11 mai 1914 : Jaurès parle

Il ne m’a jamais agacé comme il a pu prodigieusement énerver Clemenceau. Je suis attablé ce midi en face de Jean Jaurès. Nous nous sommes donnés rendez-vous pour boire un verre de vin au café du Croissant : l’occasion pour moi d’échanger et de refaire le monde avec un grand monsieur du socialisme, un défenseur des plus hautes valeurs de l’Homme, un pur qui ne triche jamais.

Je n’ai jamais bien compris pourquoi Jaurès m’a pris en affection, moi, l’homme de cabinet, l’observateur sarcastique un peu désabusé des jeux de pouvoir à la Chambre, le technicien zélé du ministère de l’Intérieur coordonnant sans (trop) d’états d’âme l’envoi des Dragons contre les grévistes d’usines ou les vignerons en colère. Peut-être le tribun a-t’il senti chez moi un cœur légèrement plus accessible que d’autres hauts fonctionnaires qu’il a pu côtoyer. Ou alors, ma proximité du Tigre me transforme en correspondant idéal pour faire passer des messages à l’un de ses grands rivaux de toujours. 
 
Chaque rendez-vous avec Jaurès reste l’occasion pour moi d’admirer sa facilité de prise de parole et son sens inné de la formule percutante. Par la magie du verbe et sa permanente hauteur de vue, il transforme n’importe quelle conversation de café initiale… en échanges éminents et emmène avec une puissance intellectuelle irrésistible la pensée de ses interlocuteurs du niveau de la brève de comptoir… vers le firmament de la pensée politique, ni plus ni moins !
 
Aussi, quand je lui parle des cours que je dispense à l’Ecole de guerre et de ma difficulté à réunir des notes éparses pour construire quelque chose de cohérent face à un public exigeant, il me rétorque, pénétré :  » « On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir : on n’enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est.  » Il a raison et cela prend tout de suite plus d’allure, dit comme cela, que mes modestes soucis de rangements de feuilles dans un classeur. 
Quand j’évoque mes dernières lectures de Walter Scott et ma passion pour la petite et la grande Histoire au Moyen-âge, il tire un instant sur sa pipe et se fend d’une belle réplique définitive :  » « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir.  »
Je n’avais guère vu cela sous cet angle mais, tout compte fait, cela m’aidera sans doute, chaque lundi matin, pour me tirer de la couette, boire mon café et rejoindre mon pisse-vinaigre de Poincaré.
Parfois, je reconnais caler un peu. Je peine à comprendre exactement la portée de l’aphorisme qu’il apporte en brillante conclusion à l’un de mes exposés suivants, aussi bafouillant que laborieux. Au moment où j’écris, je continue par exemple à m’interroger sur le sens exact de cette phrase pourtant si bien tournée :  » « Les progrès de l’humanité se mesurent aux concessions que la folie des sages fait à la sagesse des fous.  » ; ça sonne diablement bien, incontestablement. Mais je continue à me gratter la tête, interrogatif et je n’ai pas osé lui demander ce qu’il entendait par là.
 
Quand notre verre se vide, nous abordons enfin le sujet qui me préoccupe : je sais que Jaurès reçoit de nombreuses menaces depuis son opposition ferme et habile à la récente loi sur les trois ans de service militaire. Multiples lettres d’insultes, invectives ou menaces de têtes brûlées – soi-disant patriotes – en pleine rue, mises en cause haineuses, personnelles et répétées dans une partie de la presse de droite : je suis inquiet pour la sécurité du leader socialiste. Je lui propose que l’on renforce la présence de la police à chacune de ses apparitions publiques et qu’il n’y ait pas seulement un seul agent à ses côtés dans ses déplacements privés mais deux.
Il écarte cette proposition qu’il trouve coûteuse pour les deniers publics, d’un revers de main. Il y voit surtout une lâcheté s’il l’acceptait.
Il me glisse alors, à voix basse, ces mots qui me laissent coi, en se gravant dès à présent dans ma mémoire :
 » Olivier, vous savez, le courage, c’est de comprendre sa propre vie… Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille… Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel.  »
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9 octobre 1911 : Quel socialiste choisir ?

Ils sont six, j’ai ma liste devant moi. J’hésite. Joseph Caillaux, mon patron, m’a dit avant de partir à la Chambre : « Trouvez-moi un socialiste avec qui dîner après-demain soir ! Je veux savoir ce qu’ils ont dans le ventre, avant de terminer la négociation avec l’Allemagne et la crise d’Agadir ! » J’ai répondu, un peu surpris de cette demande soudaine :  » Mais monsieur le Président du Conseil, des personnalités socialistes, il y a en a beaucoup. Des modérés, des mous, des durs, des fins, des patauds, d’anciens ministres, des syndicalistes acharnés… Qui contacter ?  » Caillaux a alors réajusté son monocle (qui m’amuse mais agace profondément ma femme) et m’a lancé ironique : « Ecoutez mon vieux, établissez une liste de, euh, … par exemple… six noms. Vous réfléchissez bien puis vous me les classez par ordre d’intérêt et vous en retenez un seul. Pour un homme brillant et bardé de diplômes comme vous, cela devrait être assez… primaire, non ? »

Et me voilà avec ma feuille de papier, ma plume Sergent-Major, mon encrier et six noms griffonnés, ceux qui me passent par la tête : Briand, Jaurès, Guesde, Viviani, Millerand, Jouhaux.

J’examine le cas de Léon Jouhaux. Leader de la Cgt, défenseur de la Charte d’Amiens, il s’oppose de toutes ses forces à la main-mise de la Sfio sur son syndicat. Socialiste ? Finalement, on n’en sait rien. Je barre.

Léon Jouhaux

Puis je me penche sur le cas « Jules Guesde ». C’était l’un des gagnants lors du congrès du Globe, celui qui a fondé la Sfio en 1905. Actuellement, il se marginalise de plus en plus, n’ayant pas le charisme et les talents visionnaires de Jaurès. Il pèse de moins en moins lourd et apparaît comme un intellectuel en déclin. Je raye son nom.

Jules Guesde

René Viviani. Beau parcours. Défenseur des ouvriers lors de la grande grève de Carmaux, il a été notre premier ministre du Travail. Mais voilà, j’ai regretté sa perte de sang-froid lors du conflit des chemins de fer qu’avait subi mon ancien patron Aristide Briand. Je tire un trait sur son nom.

René Viviani

Alexandre Millerand ? On se rappelle ses décrets réduisant le temps de travail. Il est resté ami de Briand et Clemenceau. Un homme droit ? Oui, mais aussi un homme qui semble évoluer vers la droite, dit-on. Je passe.

Alexandre Millerand

Aristide Briand. Ancien Président du Conseil et ministre de l’Intérieur. J’ai travaillé sous ses ordres. Il a fini par m’apprécier après avoir longtemps cru que j’étais l’homme envoyé par Clemenceau pour l’espionner. Il me semble vouloir se reposer après des mois intenses à la tête de l’Etat. Je le laisse tranquille.

Aristide Briand

Il me reste Jean Jaurès. Le tribun du Parlement. Le défenseur de la cause ouvrière, le penseur d’un socialisme rénové et non révolutionnaire mais qui refuse les compromis médiocres. Le Dreyfusard des débuts, le fondateur de l’Humanité.

Jean Jaurès

Cela m’amuse de retenir son nom et de programmer un dîner avec Caillaux, le fils de bonne famille (son père était ministre sous Mac-Mahon et a réussi dans les affaires), inspecteur de finances et grand bourgeois (il siège dans de nombreux conseils d’administration). J’imagine déjà les deux hommes au dessert : Jaurès s’indignant de tout (les bagnes militaires, les colonies où les indigènes sont maltraités, les mines où les ouvriers crèvent…) et Joseph Caillaux sarcastique, s’entourant des volutes de son cigare, réajustant son monocle et renversant son grand front en arrière. Un dîner improbable. Le mariage de la carpe et du lapin. Un régal. J’espère être de la partie.

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13 août 1909 : J comme Jaurès

  « Il sait convaincre 7000 personnes en une heure. Par la magie de son verbe, il emporte l’adhésion de tous… sauf celle de sa femme. »

Les parlementaires de droite nuancent avec amusement les qualités de tribun de Jaurès. Ce dernier n’a jamais réussi à faire partager ses opinions socialistes à son épouse et, malgré son anticléricalisme, ses proches se rendent chaque dimanche à l’église et enchaînent les sacrements : baptêmes, communions…

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Jean Jaurès. Cet article est la suite de l’abécédaire sur notre époque commandé par la direction du journal Le Temps.

Au-delà de sa famille, Jaurès peine aussi à infléchir les méthodes des ministères radicaux qui se succèdent à la tête du pays.

« S’il était au pouvoir, il emploierait un peu moins le futur ou le conditionnel et serait obligé d’utiliser le présent. »

Les présidents du conseil successifs font tous part de leur agacement face à cette « conscience », ce censeur vigilant, ce rappel permanent des idéaux de justice et de droiture. Son soutien des grévistes de Carmaux, de Draveil ou de Vigneux, s’appuie sur une analyse de la justesse de leurs revendications mais ne tient pas compte du fait qu’il faut bien faire, en attendant, tourner le pays. L’envoi des dragons sur le lieu des troubles déchaîne ses foudres, l’arrestation des meneurs conduit à sa condamnation morale du gouvernement. Ce dernier paie cher devant la Chambre chaque coup de sabre porté sur les ouvriers et les ordres de fermeté donnés aux préfets sont autant de pièces à charge pour un procès permanent du radicalisme.

Tout le monde n’aime pas Jaurès mais chacun respecte ses idées. Aucun appel de sa part à la grève générale, une méfiance marquée pour la Révolution dans ce qu’elle a de violent, un attachement au pluralisme et à la libre expression de toutes les opinions, une volonté d’union des forces de la gauche et de rapprochement de la Cgt et de la SFIO : Jaurès ne rêve pas du « Grand Soir » et préfère la réforme de chaque jour. Il n’y a pas d’ennemis de classe mais des adversaires qui ont droit au débat, pas de têtes à couper mais des mentalités à faire évoluer.

Jaurès n’impressionne pas de prime abord : petit, râblé, bedonnant ; avant qu’il s’élance à la tribune, seul son regard surprend par son intensité. Mais dès qu’il prend la parole, l’animal politique se révèle. Caustique, drôle, assassin parfois, chaleureux souvent, il fait chavirer et basculer en sa faveur les auditoires les plus variés. L’enchaînement parfait de ses arguments peut aussi bien convaincre un juge de l’innocence de Dreyfus qu’un patron de la nécessité de faire des concessions sur les salaires et les conditions de travail. Sa voix, ses gestes amples, ses postures et ses silences qui lui permettent de guetter les quelques regards encore désapprobateurs, témoignent d’un engagement total et sincère. Il ne quitte pas une estrade sans avoir atteint chacun au cœur : ses sympathisants se ressoudent et ses opposants se prennent à douter.

Quel est l’avenir de Jaurès ?

Convaincre les dirigeants et l’opinion de tout mettre en œuvre pour maintenir la Paix est devenu son objectif. Une priorité dans ce monde qui s’arme et au milieu de ces Européens de plus en plus nationalistes.

La Paix comme combat quotidien d’un grand Monsieur que seul un lâche pourrait arrêter.

22 février 1909 : Blum fasciné par Jaurès

Il écoute, il boit ses paroles, ne pense jamais à le contredire. Socrate et Alcibiade ? Non, Jaurès et Blum.

Tout sépare les deux hommes. Le physique tout en puissance de Jaurès paraît écraser la minceur longiligne de Blum. Le cou de taureau du premier semble fait pour la lutte, le port de tête délicat du second prédispose plus à des joutes oratoires dans les salons. Jaurès bouillonne et fonce, Blum réfléchit avant d’agir.

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Jean Jaurès et Léon Blum, le maître et le disciple ; le premier a 50 ans, le second 36. Jaurès est un parlementaire célèbre et prestigieux… Blum n’est connu que par quelques lecteurs de critiques littéraires…et ses collègues fonctionnaires.

Ils se réunissent devant le temple du socialisme. Le plus âgé prend le second par la main, lui fait franchir le seuil et le présente aux grands Anciens qui fascinent le plus jeune. Alors que l’Internationale est chantée par une foule qui attend au dehors des messages de délivrance, Jaurès délivre à son disciple les paroles magiques qui peuvent enflammer le peuple. Il lui apprend les règles du combat politique et les devoirs du chef charismatique. Il lui fait sentir les rapports de force et le prix des luttes de classes.

Riches de l’enseignement transmis, ils ressortent tout deux du temple, main dans la main, face aux ouvriers victimes d’injustice, face aux obscurs de la mine et aux oubliés du capitalisme triomphant. Les regards qui se tournent vers eux expriment l’espérance de ceux qui ne veulent plus être trompés, de ceux qui rêvent de jours meilleurs pour leurs enfants. Le tribun et l’élégant juriste, le parlementaire redouté et le critique littéraire incisif, s’avancent accueillis par les vivats et les cris de joie. Ils lèvent les bras au ciel en faisant redoubler, à chaque mouvement, les hurlements d’une assemblée qui rentre en communion avec ces deux leaders.

Blum est heureux, il se sent porté par une vague qui ne peut se briser. Il a les yeux clos pour emmagasiner le plus de sensations possibles.

Les bruits s’éloignent, la lumière du vrai jour envahit la pièce.

Blum, maître des requêtes au Conseil d’Etat, se lève. Une heure après, dans un costume bien coupé, rasé de près, il franchit les portes de la prestigieuse institution et se surprend… à siffloter l’Internationale.

23 et 24 décembre 1908 : Jaurès réhabilite Robespierre

  » Si tous les hommes de la Révolution n’avaient été tués, ils seraient morts fous, tant l’effort les brûlait vite !  »

Jaurès résume par cette formule dont il a le secret, sa volumineuse « Histoire socialiste de la Révolution Française  » . Douze volumes qui viennent d’être édités chez le dreyfusard Jules Rouff.

Des ouvrages que peu lisent en entier mais que chacun commente.

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La prise de la Bastille par Jean Pierre Houël oeuvre de 1789

Jaurès s’est inspiré de Michelet qu’il connaît par coeur et il arrive, comme lui, à refaire vivre ces héros de la Convention ou de la Terreur, remplis d’idéaux et couverts de sang. Il s’éloigne en revanche délibérément de Langlois et Seignobos qui prétendent, depuis trois ans, que l’on peut écrire l’Histoire de façon objective et scientifique.

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L’historien Jules Michelet – ici photographié par Nadar – a beaucoup inspiré Jaurès. Son Histoire de la Révolution Française se lit comme un roman.

Oui, il écrit une histoire « socialiste » de la Révolution… et il s’en vante. Une histoire du socialisme qui plonge ses racines dans 1789 ou une vision socialiste des événements de cette époque ? Jaurès ne fait pas vraiment un choix entre ces deux options. Peu importe, un souffle puissant balaie ces pages qui aboutissent à interprétation stimulante de cette fin du XVIIIème siècle.

En piochant ici et là matière à réflexion, on est frappé notamment par le mouvement inattendu de réhabilitation de Robespierre.

Notre troisième République oppose de façon simpliste Danton – l’homme du peuple, dénonçant la Terreur – à Robespierre l’intransigeant et le sectaire. Des thèses universitaires jusqu’aux livres d’histoire qu’apprennent, comme une récitation, nos gamins sur les bancs de la communale, cette vision officielle est servie partout.

Jaurès la nuance considérablement et apporte un éclairage nouveau à ces pages flamboyantes de notre Histoire.

 » Je suis avec Robespierre et je vais m’asseoir aux côtés des Jacobins.  » Les lignes consacrées à celui qui voulait instituer le culte de l’Etre Suprême sont peut-être plus intimes que son auteur veut bien l’admettre.

 » Exceptionnelle probité morale, un sens religieux et passionné de la vie, et une sorte de scrupule inquiet à ne diminuer, à ne dégrader aucune des facultés de la nature humaine, à chercher dans les manifestations les plus humbles de la pensée et de la croyance, l’essentielle grandeur de l’homme.  »

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L’arrestation de Robespierre : le gendarme Merda tire dans la direction de l’Incorruptible et le blesse grièvement à la mâchoire 

De qui parle l’ouvrage que j’ai entre les mains ? De Robespierre ou de son auteur Jaurès ?

Le révolutionnaire n’est plus vraiment un tyran redouté mais plutôt un homme qui cherche avec acharnement à faire progresser la société de son temps, y compris contre l’opinion publique du moment. Il représente l’espérance des générations futures et renonce à satisfaire le coeur versatile des foules. Il poursuit un but « surhumain » de justice et de bonheur.

Au fil des pages, nous sommes entraînés dans un monde bien éloigné des combines ministérielles et des intrigues parlementaires actuelles. Chaque paragraphe peut être lu comme un plaidoyer pour une régénération de notre politique, pour un élargissement de ses perspectives.

Je m’interroge pourtant. Faut-il suivre aveuglément un homme  » à la terrible sécheresse de coeur, obsédé par une idée et qui finit peu à peu par confondre sa personne et sa foi   » ?

Les arcanes sans grandeur de notre République fatiguée ne forment-elles pas, sans le vouloir, un rempart contre toute pensée simplificatrice et tout gouvernement autoritaire qui voudrait notre bonheur… malgré nous ?

  

19 avril 1908 : Jaurès contre la grève générale

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Jean Jaurès,  » il n’y a aujourd’hui pour le socialisme qu’une méthode souveraine : conquérir légalement la majorité « 

Un idéal rafraîchissant, une maturité qui lui donne autorité sur le monde socialiste, une voix qui porte les revendications du monde ouvrier dans le monde parlementaire: Jaurès. Une voix pour les sans-voix, un espoir pour ceux qui avaient renoncé à en avoir un.

Comme conseiller – de confiance – de Clemenceau, je devrais le considérer comme un ennemi. Je ne peux pas. En fait, dans mon esprit, mon Patron représente la lutte pour un monde meilleur mais avec les armes politiques classiques et (très) pragmatiques. C’est une première étape.

Jaurès nous emmène plus loin, dans un univers à la morale plus exigeante, dans la lutte pour une société profondément rénovée.

Dans sa vision du futur, les possédants disparaissent, les ouvriers reçoivent une juste rémunération de leur travail leur donnant accès à un habitat, des conditions de vie dignes, une éducation et une culture de haut niveau. Le droit au bonheur en quelque sorte.

Tout cela est dit avec une éloquence qui fait des émules bien au-delà des bancs de la gauche. Quelle belle définition de la liberté il nous donne lorsqu’il s’écrie :  » La liberté, c’est l’enfant de la classe ouvrière, née sur un grabat de misère, et de mine chétive encore, mais qui porte en soi une incomparable vitalité secrète et dont le regard de flamme appelle la liberté d’un monde nouveau.  »

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Jaurès à la Chambre

Pour Jaurès, le socialisme ne doit accéder au pouvoir que par les voies légales et démocratiques.

C’est un opposant farouche à la grève générale.

Pour lui, les trois conditions de réussite de ce type de mouvement de masse sont les suivantes :

– l’objet en vue duquel la grève est déclarée doit passionner réellement la classe ouvrière ;

– l’opinion doit être préparée et reconnaître le mouvement comme légitime ;

– la grève générale ne doit pas être un déguisement de la violence.

Pour Jaurès, ces trois conditions ont peu de chances d’être un jour réunies. La grève générale risque donc de devenir une dangereuse utopie, écartant les ouvriers de combats plus réalistes et finalement réellement porteurs de conquêtes sociales.

Il dénonce à cette occasion les ruses de certains socialistes ou communistes qui poussent les ouvriers à la grève dure dans le but de les entraîner, sans qu’ils en aient clairement conscience, dans la Révolution et le communisme complet.

Pour autant, il n’exonère nullement les classes possédantes et les Pouvoirs publics de leurs responsabilités et il reprend le mot fameux de Mirabeau :

 » Prenez garde ! N’irritez pas le peuple qui produit tout, et qui pour être formidable… n’aurait qu’à être immobile. « 

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