15 janvier 1909 : Engueulade avec Foch

 » De beaux hommes, de beaux parleurs, de l’élégance, de la mousse… en foi de quoi : ne valant rien. Les chefs s’entendaient à mener la guerre comme les éléphants à grimper à l’échelle.  » Le général de division Ferdinand Foch, 57 ans, commandant l’Ecole de Guerre, n’a pas de mots assez durs pour qualifier les généraux du second Empire, ceux qui ont conduit la France aux désastres de la guerre de 1870 et 1871.

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Quand nous nous sommes connus, Foch et moi,

il y a quelques années, c’était un fringant colonel…

Comme professeur associé dans ce prestigieux établissement (je viens y faire des exposés sur la police « scientifique » et les brigades mobiles ), j’ai fréquemment de longues discussions avec Foch, dans son bureau cossu, après les cours. Ce dernier essaie de me faire « passer des messages » en direction de mon Patron Clemenceau.

Inutile de dire que nous ne sommes, en fait, guère en phase. Si notre appréciation sur l’armée française avant Sedan est commune, nous divergeons totalement dans nos analyses, sur la conduite à tenir pour faire face à un autre conflit.

Foch et d’autres enseignants de l’Etat Major, ne jurent que par la stratégie napoléonienne, celle qui a conduit la France à Austerlitz : importance de la qualité des chefs comme meneurs d’hommes, mouvements de troupes audacieux, rapidité dans leur exécution, offensive à outrance dès que la situation semble favorable.

Quand j’indique que la police travaille, pour sa part, à intégrer, avec humilité, tous les enseignements de la science, les technologies et les nouvelles machines, quand je propose que l’armée fasse de même, je me heurte à un mur d’incompréhension.

Ce soir, j’évoque les automobiles et les aéroplanes. La réponse de Foch est cinglante :

 » Les automobiles, les avions d’Ader, tout cela c’est joli, c’est du plaisir et du sport mais pour l’armée, c’est zéro !

Une troupe bien commandée qui sait contourner l’ennemi sans être vue, fondre sur lui au bon moment, à l’endroit le plus fragile de son dispositif, remporte la victoire. L’assaut de milliers d’hommes fougueux à cet instant reste irrésistible.  »

Dans ma tête, j’imagine -avec horreur – cet assaut face aux nouvelles mitrailleuses Maxim qui commencent à équiper les armées anglaises et allemandes. Je m’exclame :

– Vous n’avez pas peur que cela conduise à des milliers de morts ?

– Mais, ici, ce n’est pas la police, Monsieur le conseiller (le ton monte et devient cassant), ici on fait la vraie guerre et le sacrifice suprême ne nous fait pas peur !

– Mon général, regardez ce qui s’est passé dans les conflits récents, comme en Afrique du Sud. Les rapports de nos attachés militaires à l’étranger sont éloquents ! Une mitrailleuse peut briser un assaut de plusieurs régiments !

Foch continue à faire la sourde oreille mais se radoucit. Il conclut dans un demi-sourire :

– Si vous avez peur de la guerre, vous, les civils, menez une politique étrangère prudente qui permettra de l’éviter. Je crois au sens du devoir, à l’esprit de justice à respecter partout. Car, je vous l’accorde : au dessus de la guerre… il y a la paix !

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