– De l’arsenic dans le vin ? L’alcool est un délicieux poison mais pas à ce point !
Le directeur adjoint de cabinet prend un peu à la légère le compte rendu de mon entretien avec le professeur Mourreu, de l’Académie de médecine, qui met en garde la presse, l’opinion et les pouvoirs publics sur un nouveau danger lié au vin.
Pour protéger les vignes des attaques d’insectes et de parasites, certains vignerons utilisent une bouillie très efficace, l’arséniate de plomb, et répandent cette mixture sur toute leur propriété. Résultat : on retrouve de l’arsenic, ce poison très violent, même à petite dose, dans le vin que nous buvons.
Nancy, la fête de la Vigne en 1909. Le vin est un vrai symbole de… longévité.
Le directeur reprend:
-Tout cela n’est pas bien sérieux. Pour que le mélange soit dangereux, il faudrait que les vendanges aient lieu juste après sa diffusion dans la vigne. Or, souvent, il se passe plusieurs semaines voire plusieurs mois entre les deux opérations. L’arsenic est donc dispersé par les eaux de pluie et par les vents. Dame Nature, dans son immensité, nous protège !
J’essaie de contre argumenter :
– Il y a pourtant des textes qui interdisent l’usage de produits à base d’arsenic. Il faudrait les faire appliquer. Le poison peut polluer les puits ou intoxiquer les ouvriers agricoles. Dans son laboratoire, le professeur Mourreu a placé des escargots au contact de vignes traitées à l’arséniate puis, il a analysé la chair des gastéropodes. Elle était fortement contaminée ! Pour l’être humain, les conséquences seraient identiques !
Le directeur, fatigué par la tournure prise par la conversation :
» Ecoutez, nous ne sommes pas des escargots de Bourgogne. Notre organisme robuste peut se permettre d’absorber les très faibles doses d’arsenic que l’on détecte dans le vin mais aussi dans le jambon ou même dans le sel.
Il n’est pas question de faire sortir un nouveau texte à destination des vignerons ou de renforcer les contrôles. Les émeutes dans le Midi en 1907 constituent un très mauvais souvenir pour le gouvernement tout entier. Il convient d’éviter toute nouvelle action de notre part qui serait perçue comme une provocation vis à vis d’une profession fragilisée.
Les experts entre eux ne sont même pas d’accord. J’ai aussi reçu un médecin, le docteur Trabut, envoyé par des députés des régions viticoles. Il n’est pas aussi pessimiste que votre professeur Mourreu. Laissons les scientifiques débattre et évitons de nous mêler de tout cela. Il n’y a que des coups à prendre. Vous avez une liste de victimes de l’arsenic dans le vin ? Vous avez des malades en hôpital prêts à témoigner ? Vous voyez bien que non. Halte aux polémiques, laissons Mourreu avec ses peurs. Si on écoutaient les médecins, il faudrait arrêter tous les plaisirs de la vie ! »
Le dossier de l’arsenic dans le vin est clos. Cette boisson reste un monument national prioritaire et sacré. La santé des Français attendra.