30 décembre 1908 : La « belle » solidarité française en faveur des Italiens

Pendant que les Siciliens souffrent à Messine à la suite de l’horrible tremblement de terre, les réunions interministérielles à Paris s’enchaînent à un rythme soutenu. Que faire pour aider les Italiens ? Comment coordonner l’élan de générosité populaire des Français en faveur des zones sinistrées ?

Il faut, à la fois, annoncer des mesures rapides et ne pas céder à la précipitation qui conduirait à la mobilisation de ressources inutiles.

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Messine, le port dévasté à la suite du terrible tremblement de terre et raz-de-marée du 28 décembre 1908 qui ont fait plus de 120 000 morts

Le polytechnicien Picard, tout nouveau ministre de la Marine, prend les choses bien en mains et sait former un tandem habile avec Caillaux, ministre des Finances.

Picard :

– Il faut être très réaliste. Pour sauver des vies humaines, nous arriverons en grande partie trop tard. Seules quelques personnes très robustes peuvent survivre au-delà de trois jours coincées dans les décombres. Mais, en hiver, sans eau, sans soin, une grande partie des habitants de Messine ensevelis ne pourra être secourue.

Je propose l’envoi de deux cuirassers : le « Vérité » et le « Justice » . Ils seront utilement accompagnés par deux contre-torpilleurs plus rapides et légers : le « Carquois » et le « Cognée ».

Je prends des notes et j’interroge :

– Et que feront-ils sur place ?

Picard :

– Ils affirment solennellement la présence française. Deux cuirassers, cela se voit, cela impressionne !

Et concrètement, au-delà de la « gesticulation » destinée à rassurer la grande presse et l’opinion, ils feront ce qu’ils pourront. Ils auront des vivres frais, de l’eau potable, des couvertures, des médicaments, des médecins militaires… sur place, la désorganisation de toute la vie urbaine rendra leur tâche très difficile. La discipline des marins sera alors un atout.

J’ai pris mes renseignements avant de venir en réunion et prévient le ministre Picard :

– J’ai vu ce matin l’ambassadeur d’Italie, le comte Gallina et nous avons joint ensemble le préfet Orsi, seul représentant du gouvernement italien sur place. Il faut vous attendre à une situation terrible. Les survivants meurent de faim, de froid. Ils sont épuisés. Les pillages sont journaliers. Les premières distributions de vivres se traduisent par des émeutes.

Notre propre ambassadeur à Rome, Camille Barrère, confirme cet état des lieux lamentable.

Picard devient sombre :

– Il ne faut pas attendre de nos marins des miracles. Ils n’auront pas d’engins de levage permettant de dégager les décombres, il faudra faire beaucoup de choses à la main. Leurs vivres, leur eau douce, ne seront pas non plus inépuisables.

Bref, il faut anticiper de grosses déceptions dans notre capacité réelle à aider les Siciliens. J’espère que la censure sur place sera rigoureuse. Je ne veux pas voir mes marins mis en cause dans les journaux alors qu’ils feront leur devoir au mieux.

Je le rassure :

– Pour le filtrage des informations à destination de Paris, cela a été vu aussi. Comme souvent dans ce genre de drame, la censure sera peut-être la seule action pleinement efficace… (je me permets cette ironie désabusée).

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Messine, les premiers secours s’organisent avec peine…

Caillaux prend alors la parole :

– Allons, messieurs, ne cédez pas au découragement ! J’ai organisé avec la Banque de France le système de souscription nationale qui va permettre de coordonner l’élan de générosité publique. Les trésoriers payeurs généraux, les percepteurs transmettront les fonds collectés en province à la Banque de France de chaque département et tout cela remontera à Paris pour partir ensuite à Rome. Nous montrons ainsi avec force la générosité entre peuples latins (il faudra reprendre ce terme pour la presse).

Nous pouvons déjà annoncer les noms des premiers généreux donateurs : les Rothschild Frères 100 000 francs, la Compagnie du Canal de Suez 25 000 francs, le Crédit Lyonnais 25 000 francs, le Président de la République enfin : 25 000 francs…

Et vous messieurs ?

Sourires gênés, toussotements, silence…

Stephen Pichon, ministre des affaires étrangères, qui n’a encore rien dit, propose d’une voix faible :

– Le Conseil des ministres donnera, par exemple, 12 000 francs. Nous verrons ensuite entre nous qui donne quoi.

Proposition habile qui repousse le moment où chacun devra regarder les sommes disponibles sur son compte en banque pour faire un gros chèque.

Au moment de nous séparer, Picard raconte une anecdote sordide :

– Figurez-vous que la Poste italienne s’interroge sur la distribution des colis d’étrennes en début d’année 1909. Beaucoup de familles réparties sur le royaume italien vont recevoir des paquets en provenance de parents de Messine. Et ces envois viendront de personnes décédées depuis. Quelle ambiance terrible quand ils vont ouvrir les colis ! Tout cela est macabre…

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Messine 1908, les premiers travaux de déblaiement

29 décembre 1908 : Messine, 120 000 morts en 37 secondes

Le diable vient d’étendre sa main sur le sud de l’Italie.

A Messine et Reggio en Sicile et à la pointe sud de la Calabre, le 28 décembre, à 5h21, pendant 37 secondes interminables, la terre a violemment tremblé et un raz de marée impressionnant a dévasté les zones urbaines. Les bâtiments publics, les immeubles et maisons se sont effondrés comme des châteaux de cartes en tuant ou emprisonnant les habitants encore endormis. L’explosion d’un gazomètre et les courts circuits du réseau électrique ont provoqué, en outre, un gigantesque incendie qui a achevé de plonger les deux villes dans l’horreur absolue.

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Messine, Sicile, le 29 décembre 1908, partout, ruines et désolation. 120 000 morts ? peut-être plus encore…

Bilan : on parle de plus de 120 000 morts écrasés ou brûlés sans compter un nombre encore plus impressionnant de blessés.

La presse dépêchée sur place décrit -complaisamment – des scènes insoutenables d’enfants broyés sous les décombres à côtés de leurs parents eux-mêmes prisonniers des bâtiments détruits. L’émotion en Italie et dans le reste du monde est considérable.

Les voies de communication sont coupées et les secours sont très difficiles à acheminer.

Il est frappant de constater que la catastrophe a été elle-même connue avec retard. Pendant de longues heures, l’Italie savait que quelque chose de terrible s’était passé à Messine mais sans que l’on puisse avoir des informations plus précises. Dans ce laps de temps, le nombre de blessés (non secourus) a augmenté et des scènes de pillage ont eu lieu.

Le gouvernement italien s’efforce aujourd’hui de rétablir un semblant d’ordre dans un paysage de désolation.

Ordre dans les secours qui commencent à parvenir, trop lentement, du monde entier. Ordre public aussi : de nombreux prisonniers se sont évadés de la prison locale et dévalisent, torturent ou tuent les survivants dans l’espoir de faire main basse sur leurs biens. La loi martiale va sans doute être décrétée afin de pouvoir faire la chasse aux « charognards ».

Je représente aujourd’hui le Président du Conseil dans une réunion au quai d’Orsay, présidée par Stephen Pichon, le ministre des Affaires Etrangères. Nous allons décider ce que la France va proposer d’envoyer sur place. Pour préparer cette rencontre inter-ministérielle (qui associe la Guerre, l’Intérieur, le Quai et même l’Instruction publique…), j’ai un rendez-vous dans deux heures avec l’ambassadeur d’Italie en France.

Je file…

A suivre.

28 décembre 1908 : Que nous réserve Marcel Proust ?

Attachant mais exaspérant. Supérieurement intelligent mais parfois ô combien puéril. Longtemps silencieux dans un groupe puis soudain enflammé, caustique, drôle. Du coeur mais aussi de la cruauté.

Je connais Marcel Proust depuis une dizaine d’années. L’affaire Dreyfus nous a rapprochés. Nous étions à l’époque quelques-uns à faire bloc, à élaborer des stratégies de résistance, à nous passer des informations et à nous soutenir mutuellement.

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En 1908, année charnière, Marcel Proust revient avec passion au roman et commence à écrire véritablement son oeuvre immense…

J’ai eu aussi l’occasion d’assister à un duel entre Marcel et Jean Lorrain, le second ayant sali le premier publiquement. Je devais rendre compte du résultat de ce combat au pistolet à Mme Arman de Caillavet qui tremblait pour son protégé. Résultat ? Deux balles perdues dans le bois de Meudon au petit matin, aucune blessure, deux tireurs très médiocres… et beaucoup d’inquiétude inutile.

Un ami ? Pas vraiment, plutôt une connaissance. Un homme qui marque, qui intrigue, qu’on est heureux de rencontrer dans une soirée sans savoir quand nos chemins se croiseront à nouveau.

Ses articles dans Le Figaro sont plaisants. On oublie presque le sujet abordé (le dernier recueil d’Anna de Noailles chez Calmann-Lévy par exemple) et se laisse porter par une plume alerte, une sensibilité à fleur de peau, une connaissance intime des oeuvres de John Ruskin, de Francis Jammes ou Maeterlinck qu’il cite, de mémoire, en référence.

Une taille moyenne, les épaules tombantes, mince, pas toujours très bonne mine malgré son teint mat. Le physique de Marcel n’impressionne pas au premier abord. Le regard attire en revanche irrésistiblement. Les paupières tombantes en accentuent parfois sa douceur mais la noirceur des yeux ne cache pas longtemps une palette impressionnante de sentiments. Ironie mordante, colère -Marcel est susceptible – volonté de séduire ou d’être séduit, bonté souvent, dureté parfois. Sa main gauche cherche discrètement son visage, cache à moitié ses lèvres, laisse un doigt pour caresser la moustache soigneusement taillée. Timidité et concentration d’un homme de lettres qui transforme chaque instant en exercice de l’esprit.

Certains le résument à un dandy de salon. A tort. Marcel, souvent souffrant -son terrible asthme- sort de moins en moins. S’il a connaissance de ce qui se passe et se dit dans les dîners en ville, c’est par les rapports que lui font quelques ami(e)s fidèles.

Non, maintenant, il écrit. Sa mère est morte. Blessure profonde qu’il ne peut soigner qu’en écrivant encore. Vite, très bien. Les pages se noircissent avec frénésie. Le travail sur la mémoire, la cuisine des souvenirs, une extraordinaire aisance de plume, conduisent à remplir un cahier, puis un second, un troisième… Il s’enferme. Quelques biscuits, un café, un verre d’eau. Il travaille des heures sans notion du temps. Dehors il fait froid, l’air humide, la crainte de la crise d’asthme, de l’étouffement, poussent à rester au chaud, derrière la table, le dos courbé sur les feuillets qui s’accumulent.

Il annonce à qui veut l’entendre un roman appelé « Contre Sainte-Beuve ». Ce ne sera pas un essai mais une fiction complexe, des centaines de pages où se mêlent des entrelacs de souvenirs de sa mère, de Venise, de Combray. Le drame de se coucher seul, la joie de promenades à la campagne, le sifflet des trains, d’autres sons, des odeurs qui reviennent. L’amour, la tentation homosexuelle, le désir de plaire, de ravir l’autre, de le posséder en rêve, jalousement.

Marcel et moi nous retrouvons une fois par mois au café ou au bar du Ritz. Toujours ce jeu idiot des dominos. Prétexte pour qu’il me lise à haute voix sa production de la nuit. De longues phrases, des « que » s’enchaînent sans lasser. Une façon révolutionnaire de construire un roman qui éloigne la perspective de trouver un éditeur.

 » Le mot homosexuel terrifie, l’immoralité de certaines pages fera fuir  » lâche-t-il tristement. Je n’ose pas lui dire que sa maladresse vis à vis des patrons de presse le prive de précieux soutiens. Je crains de trop parler. La peur d’être ridicule face à un génie ou de blesser un être ultra sensible. 

A un moment donné, il ne parle plus, son regard se perd au loin. Marcel Proust m’a déjà quitté par la pensée. Gardera-t-il quelque chose de notre rencontre ? Quel geste ou attitude a priori banale sera relevée et transformée dans son roman en phrase soyeuse, en description inattendue… et d’un seul coup inoubliable ? 

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L’écriture de Marcel Proust… sur des milliers de pages…

27 décembre 1908 , l’agression contre le Président de la République : la suite de l’enquête

Rappel des faits : 

Le Président de la République pratique ce qu’il appelle « le footing ». Devenu chef de l’Etat, il n’a pas voulu perdre ses habitudes acquises durant ses mandats de sénateur : tous les matins, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, il marche d’un pas décidé de l’Elysée vers le Trocadéro et le Champ de Mars. Il aime à faire le tour de la place de l’Etoile et pousse souvent jusqu’aux profondeurs du Bois de Boulogne, pour revenir à son bureau vers 10 heures.

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Armand Fallières est Président de la République depuis janvier 1906, il a succédé au bien connu… Emile Loubet. Il se fait remarquer pour son opposition farouche à la peine de mort.

Ce matin, durant sa promenade, il devise, enjoué, avec M. Ramondou, secrétaire général de la présidence et le colonel Lasson, de son état-major particulier. Les deux hommes l’accompagnent souvent et apprécient l’humour de leur patron.

Des passants saluent avec sympathie le chef de l’Etat :  » regarde, c’est Moussou Fallières !  » disent certains en imitant son accent agenais. Souriant, le premier magistrat de France soulève son chapeau quand il croise une dame et fait un clin d’oeil aux enfants qui agitent les mains en sa direction.

Un peu plus loin, suivent deux inspecteurs de la Sûreté nationale qui estiment effectuer une mission tranquille en protégeant un Président très populaire dans le pays.

Soudain, tout bascule.

Au moment où Armand Fallières s’engage sur la chaussée de l’avenue d’Iéna, un jeune homme inconnu se précipite sur lui et le jette à terre violemment.

Personne n’a le temps de réagir sur le moment. On se demande un instant si ce n’est pas un déséquilibré qui tente d’embrasser le chef de l’Etat.

Le colonel Lasson et les inspecteurs de la sûreté parviennent à ceinturer l’agresseur. Celui-ci abandonne vite la lutte et se laisse maîtriser. M. Fallières, de constitution robuste, se redresse sur ses jambes, juste un peu essoufflé, légèrement égratigné au cou. Sa canne est brisée. Il ramasse son chapeau et reprend sa promenade, fâcheusement interrompue.

Un fiacre est réquisitionné par la police et permet de conduire le prisonnier au commissariat le plus proche.

– Qui êtes-vous et pourquoi avez-vous fait cela? demande le commissaire de quartier.

L’intéressé refuse de répondre jusqu’à ce qu’il soit conduit devant un juge d’instruction.

Le teint pâle, le regard maladif, les cheveux en bataille, il débite alors d’un coup :

– Je suis Jean Mattis, 34 ans, garçon de café. Je suis très content de ce que j’ai fait. Je voulais donner une leçon au chef de l’Etat qui se moque du monde. Je suis inspiré par Dieu et mon geste est destiné à dénoncer ses alliances scandaleuses avec les Francs-maçons.

Pendant ce temps, la presse nationale et internationale se couvre de gros titres :

 » Le chef d’Etat français attaqué par un fou violent  » ;  » M. Fallières, victime d’une lâche agression en pleine rue » …

Toutes les chancelleries envoient leur ambassadeur à l’Elysée pour faire part de leur soutien à M. Fallières.

Même Berlin fait preuve de solidarité.

L’ambassadeur d’Allemagne, le prince Radolin, vient de transmettre une lettre bien tournée où il exprime son indignation pour le geste de l’exalté et conclut par un message de grande sympathie à M. Fallières.

Après avoir lu le courrier, le directeur de cabinet commente, goguenard, cette affaire :

– Encore une agression comme cela et ils sont capables de nous rendre un bout de l’Alsace ou de la Lorraine, rien que pour nous consoler !

La suite au 27 décembre :

Jean Mattis, originaire de Val d’Isère, a agi seul. Il se prétend inspiré par les idées nationalistes et celles de l’Action Française (la police retrouve chez lui de nombreuses publications royalistes dont celles de Charles Maurras). Son avocat fait valoir que le chef de l’Etat n’a pas été blessé :  » Jean Mattis s’est borné à lui tirer la barbe » ne cesse-t-il d’affirmer.

Une perquisition est effectuée sans grand succès au syndicat des garçons de café dont Jean Mattis est membre. Aucun document trouvé ne permet d’éclairer le geste de Mattis.

G. Clemenceau déplore l’agression et la situe dans le climat de violence verbale voire physique dont est victime la République ces derniers mois. Il prend donc l’incident très au sérieux.

La décision est prise de renforcer la protection de l’ensemble des ministres. La garde du Sénat et de l’Assemblée est momentanément doublée. 

24 et 25 décembre 1908 : Chahuts et émeutes au quartier Latin

Ministère de l’Intérieur, réunion de crise présidée par Etienne Winter, le directeur de cabinet de Georges Clemenceau.

Sujet de préoccupation: les troubles de ces derniers jours au quartier Latin.

Autour de la table : outre Gaston Doumergue, ministre de l’Instruction publique ; le préfet de police Louis Lépine ; le doyen Landouzy de la faculté de médecine ; le directeur de la police municipale de Paris,  M.Touny ; le commissaire divisionnaire du cinquième arrondissement, M. Noriot ; deux officiers de paix du même arrondissement de Paris, Mrs Fauvet et Thierry ; le vice recteur M. Liard… Autrement dit, les principaux acteurs, côté pouvoirs publics, des événements qui viennent de se produire au quartier Latin.

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La Sorbonne en 1908 est parfois un lieu d’agitation et de contestation

Etienne Winter parle avec une colère froide et contenue.

– Cela part dans tous les sens. Dans la même journée, le cours de M. Puech sur « les tragiques grecs » est perturbé par l’Action française et les Camelots du Roi d’une part, d’autre part, les chahuts à la faculté de médecine dégénèrent en émeute. J’attends vos explications, messieurs.

Le vice recteur Liard, un peu tremblant, essaie de défendre la décision prise pour le cours de M. Puech :

– Nous avions prévu que les Camelots du Roi allaient tenter d’empêcher le cours de M. Thalamas qui expose des thèses qu’ils contestent sur Jeanne d’Arc. On ne pouvait anticiper que, faute de pouvoir accéder à la salle de ce professeur, placée sous bonne garde, ils allaient s’en prendre au cours du pauvre Puech qui n’a rien à voir avec toute cette histoire.

Winter se fait cinglant :

– Le professeur a été ceinturé et expulsé de son propre cours par les activistes. Pendant vingt bonnes minutes -je répète, vingt minutes – Pujo, le chef des Camelots, a pu exposer ses thèses royalistes à des étudiants hilares. La République est ridiculisée.

L’officier de paix Fauvet intervient :

– J’ai fait mettre six camelots en état d’arrestation.

– Lesquels ?

– Ceux qui criaient  » vive le roi » et refusaient de sortir après les sommations. Devant cette fermeté, les autres militants ont quitté la salle.

– Il faudra que vous m’expliquiez comment il vous a fallu vingt minutes pour mobiliser une compagnie de gardes républicains alors que vous saviez par la police des chemins de fer que les troubles étaient imminents sur la Sorbonne.

– Nous avions massé tout notre monde devant la salle de M. Thalamas.

– Et vous aviez des ordres idiots qui vous empêchaient de bouger ? Je ne veux même pas entendre votre réponse. Elle va me désoler.

Passons à la faculté de médecine.

Alors là, c’est le sommet ! Le jury de l’agrégation est gravement contesté pour son manque d’objectivité. Les étudiants, mais aussi de nombreux professeurs, se désolent que les candidats qui ne sont pas soutenus par une sommité du monde médical, qui n’ont pas « leur jury », comme on dit, n’ont aucune chance.

Face à cette mise en cause pour défaut d’impartialité, que fait la Faculté de médecine ? Rien ! La tête dans le sable, elle attend que cela se passe. Pendant ce temps, les troubles montent. Ce qui n’était au départ qu’un chahut bon enfant à coups de tomates et d’oeufs, se transforme, petit à petit, en émeute.

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La Faculté de médecine en 1908

Le doyen Landouzy :

– On ne peut réformer sous la pression. Les examens de cette année doivent aller jusqu’à leur terme et nous prendrons ensuite le temps pour faire les ajustements nécessaires.

Winter reprend :

– Vous verrez avec Doumergue. En attendant, la police parisienne continue à gérer ces monômes -qui auraient dû rester anodins – n’importe comment.

Pourquoi ce coup de crosse contre un manifestant alors que l’ambiance était aux rires et aux chants paillards ?

Lépine tente de montrer son engagement à calmer les choses :

– Je suis allé personnellement dialoguer avec les étudiants, seul.

– Votre commissaire divisionnaire Noriot ne vous a pas facilité la tâche (l’intéressé disparaît presque sous la table). Il est perçu comme autoritaire et brutal par les étudiants. Résultat : cela a failli mal tourner pour vous, Monsieur le préfet. Un peu plus, vous étiez molesté.

– Constatant que le dialogue était impossible, j’ai demandé aux gardes cyclistes et aux policiers à cheval de faire place nette et d’enlever tous les barrages établis par les carabins.

– Et on déplore plusieurs manifestants piétinés par les chevaux ou battus à terre par vos gardes. Il y a au moins un avantage : ils peuvent se soigner entre eux ou bénéficier des soins attentifs de leurs professeurs de faculté… qui en profitent pour se répandre dans toute la presse et dénoncer les violences policières.

Mais là n’est pas le plus grave. Comment se fait-il que 300 manifestants aient réussi à s’introduire dans la cour d’honneur du Sénat ? Pourquoi la garde n’a-t-elle pas été renforcée au Palais du Luxembourg ? Lépine, que faites-vous, vous dormez ? Heureusement que le questeur, M. Bonnefoy-Sibour, a négocié habilement le retrait des émeutiers, sinon, c’est le gouvernement qui risquait de sauter !

– J’ai effectivement manqué de vigilance sur ce point. En retour, il faudrait que les gardes républicains gardent leur calme. Un étudiant a failli être transpercé par la baïonnette d’une sentinelle affolée.

– Lépine, le maintien de l’ordre à Paris, c’est vous. Si cela a failli dégénérer au Sénat, c’est par votre faute. Les gardes républicains du Palais n’ont effectivement aucun entraînement pour faire face à des carabins furieux.

Bon, nous en avons fini. Je compte sur vous pour vous reprendre à la rentrée de janvier. En attendant, vous êtes sauvés par Noël et les vacances universitaires. Le père Noël ramène plus sûrement le calme au quartier Latin que vos pelotons de policiers municipaux, M. Lépine.

Le préfet, avec sang froid, montre qu’il ne se laisse pas démonter par un directeur de cabinet :

– M. le directeur, je savais, en venant à cette réunion, que même à l’approche de Noël… vous n’alliez pas me faire de cadeaux.

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Police municipale parisienne en 1908

23 et 24 décembre 1908 : Jaurès réhabilite Robespierre

  » Si tous les hommes de la Révolution n’avaient été tués, ils seraient morts fous, tant l’effort les brûlait vite !  »

Jaurès résume par cette formule dont il a le secret, sa volumineuse « Histoire socialiste de la Révolution Française  » . Douze volumes qui viennent d’être édités chez le dreyfusard Jules Rouff.

Des ouvrages que peu lisent en entier mais que chacun commente.

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La prise de la Bastille par Jean Pierre Houël oeuvre de 1789

Jaurès s’est inspiré de Michelet qu’il connaît par coeur et il arrive, comme lui, à refaire vivre ces héros de la Convention ou de la Terreur, remplis d’idéaux et couverts de sang. Il s’éloigne en revanche délibérément de Langlois et Seignobos qui prétendent, depuis trois ans, que l’on peut écrire l’Histoire de façon objective et scientifique.

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L’historien Jules Michelet – ici photographié par Nadar – a beaucoup inspiré Jaurès. Son Histoire de la Révolution Française se lit comme un roman.

Oui, il écrit une histoire « socialiste » de la Révolution… et il s’en vante. Une histoire du socialisme qui plonge ses racines dans 1789 ou une vision socialiste des événements de cette époque ? Jaurès ne fait pas vraiment un choix entre ces deux options. Peu importe, un souffle puissant balaie ces pages qui aboutissent à interprétation stimulante de cette fin du XVIIIème siècle.

En piochant ici et là matière à réflexion, on est frappé notamment par le mouvement inattendu de réhabilitation de Robespierre.

Notre troisième République oppose de façon simpliste Danton – l’homme du peuple, dénonçant la Terreur – à Robespierre l’intransigeant et le sectaire. Des thèses universitaires jusqu’aux livres d’histoire qu’apprennent, comme une récitation, nos gamins sur les bancs de la communale, cette vision officielle est servie partout.

Jaurès la nuance considérablement et apporte un éclairage nouveau à ces pages flamboyantes de notre Histoire.

 » Je suis avec Robespierre et je vais m’asseoir aux côtés des Jacobins.  » Les lignes consacrées à celui qui voulait instituer le culte de l’Etre Suprême sont peut-être plus intimes que son auteur veut bien l’admettre.

 » Exceptionnelle probité morale, un sens religieux et passionné de la vie, et une sorte de scrupule inquiet à ne diminuer, à ne dégrader aucune des facultés de la nature humaine, à chercher dans les manifestations les plus humbles de la pensée et de la croyance, l’essentielle grandeur de l’homme.  »

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L’arrestation de Robespierre : le gendarme Merda tire dans la direction de l’Incorruptible et le blesse grièvement à la mâchoire 

De qui parle l’ouvrage que j’ai entre les mains ? De Robespierre ou de son auteur Jaurès ?

Le révolutionnaire n’est plus vraiment un tyran redouté mais plutôt un homme qui cherche avec acharnement à faire progresser la société de son temps, y compris contre l’opinion publique du moment. Il représente l’espérance des générations futures et renonce à satisfaire le coeur versatile des foules. Il poursuit un but « surhumain » de justice et de bonheur.

Au fil des pages, nous sommes entraînés dans un monde bien éloigné des combines ministérielles et des intrigues parlementaires actuelles. Chaque paragraphe peut être lu comme un plaidoyer pour une régénération de notre politique, pour un élargissement de ses perspectives.

Je m’interroge pourtant. Faut-il suivre aveuglément un homme  » à la terrible sécheresse de coeur, obsédé par une idée et qui finit peu à peu par confondre sa personne et sa foi   » ?

Les arcanes sans grandeur de notre République fatiguée ne forment-elles pas, sans le vouloir, un rempart contre toute pensée simplificatrice et tout gouvernement autoritaire qui voudrait notre bonheur… malgré nous ?

  

22 décembre 1908 : L’homme qui valait quatre milliards

Discussion avec Joseph Caillaux, ministre des Finances, qui attend d’être reçu par G. Clemenceau. Je lui lance en plaisantant :

 » Vous êtes l’homme qui vaut quatre milliards !  »  

Pensif et peu sensible à ma tentative de dérider l’atmosphère, il me répond :

– Les milliards de notre budget s’envolent effectivement. Sous la monarchie de Juillet, la France se contentait d’un milliard de francs pour faire face à ses dépenses publiques. Thiers qui voyait bien comment les choses allaient évoluer dans l’avenir avait dit : Saluez ce milliard car vous ne le reverrez plus !

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Joseph Caillaux, ministre des Finances : son budget pèse 4 milliards de francs

Il ne croyait pas si bien dire. En 1869, à la veille de la guerre, nous étions déjà à deux milliards. Aux lendemains de nos désastres, nous franchissions la barre des trois milliards, notamment pour payer l’indemnité de guerre et permettre la libération de notre territoire.

Aujourd’hui, nous sommes effectivement à quatre milliards. C’est beaucoup.

Curieux, je lui demande comment il explique l’envolée de nos dépenses.

– Le budget des armées reste très gourmand. La marine et nos troupes à terre coûtaient après la guerre 350 millions, elles nécessitent aujourd’hui 1 milliard. C’est le prix à payer pour redevenir une puissance indépendante.

L’Instruction publique se contentait de 24 malheureux millions sous l’empire, 270 millions sont aujourd’hui nécessaires si on veut que chaque petit Français apprenne à lire, écrire et compter dans de bonnes écoles républicaines. Quant aux dépenses d’assistance et de solidarité, elles croissent pour couvrir des besoins sociaux tout à fait légitimes.

– Et la dette ?

– Nous nous efforçons de la maintenir à un niveau modéré mais elle pèse lourd elle aussi. En trente ans, son arrérage est passé de 600 à 1200 millions. Ce que nous avons dû payer aux Prussiens n’a rien arrangé et a durablement déséquilibré nos finances.

Heureusement, les Français forment un peuple d’épargnants, qui souscrit comme un seul homme aux emprunts publics, dans des bonnes conditions pour l’Etat.

Et puis pour trouver de nouvelles recettes et faire face à la hausse inexorable de nos dépenses, je ne désespère pas de faire passer un jour mon projet d’impôt sur le revenu.

De nouveau perdu dans ses pensées, il marmonne pour lui-même :

– Nous n’avons pas le choix. Soit on taxe les revenus, soit…. on crée un impôt sur les achats… on pourrait faire les deux.

Je le regarde avec un peu d’effroi. Voyant mon trouble, il me lance :

– N’ayez pas peur, je n’ai pas d’idées de nouveaux impôts. Simplement, la France ne peut pas vivre durablement au dessus de ses moyens.

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Le ministère des Finances au Louvre, le pavillon Colbert

20 décembre 1908 : Pu Yi, deux ans, Empereur de Chine

Il est sept heures. Comme tous les enfants du monde, le garçon de deux ans se frotte les yeux et se cache encore un instant sous sa lourde couverture de laine qu’il rabat au-dessus de son drap. Les premiers rayons du soleil réchauffent la ville où la température est tombée à – 10°C pendant la nuit.

Comme tous les enfants, le petit garçon se lève, il a faim.

A ce moment, comme chaque jour, ce qu’il vit comme un cauchemar recommence.

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Pu Yi, ce nom d’Empereur que personne, à la Cour, n’a le droit de prononcer, en signe de respect…

Sa maman n’est pas là. Il ne sait pas vraiment pourquoi. Seule sa nourrice Wen-Wang s’approche de lui. Une dizaine d’autres personnes qui n’osent le regarder se prosternent jusqu’au sol. Un bruit de tambourin rythme chacun des déplacements dans la pièce.

On lui retire ses vêtements de la nuit pour lui faire enfiler un habit plein de couleurs mais lourd pour le petit homme qu’il est encore.

Un serviteur lui présente une bouillie qu’il goûte et qu’il refuse finalement en jetant sa cuillère par terre. Immédiatement, un autre bol avec une autre mixture lui est offert pendant qu’une vieille femme nettoie prestement le sol.

Il mange alors lentement, silencieux, en rêvant que sa nourrice lui fasse un petit câlin. Celle-ci se tient toute droite, à distance, et ne s’approche que si la nourriture vient à manquer. Il regarde implorant dans sa direction. Wen-Wang comprend la demande mais n’ose enfreindre la règle imposée par l’étiquette de la Cour. Elle baisse la tête embarrassée et joint les mains.

Le petit garçon crie plusieurs fois :  » je veux maman !  » et jette son chausson à la figure de l’eunuque le plus proche. Les serviteurs, affolés, se retirent avec force génuflexions et laissent seule Wen-Wang.

La nourrice sait qu’elle a alors le droit d’approcher le garçonnet et de le tenir dans ses bras pour l’apaiser.

Elle sent bon, Wen-Wang. Elle est douce. Ce n’est pas maman mais c’est mieux que ces serviteurs bizarres qui ne cessent de se prêter à des cérémonials incompréhensibles. Le jeune enfant se blottit et se frotte contre le corps chaud de Wen Wang, cherchant un peu plus de tendresse encore.

Le regard embué de larmes, il cherche à se rappeler le visage de sa mère, le son de sa voix, les bruits familiers de la maison où il était avant.

« Avant »… quand il n’était pas encore Pu Yi, le nouvel Empereur de l’immense Chine.

18 décembre 1908 : Charles de Gaulle fera-t-il un bon écrivain ?

Je tourne les pages et lis quelques passages ici et là. Le livre « Zalaina » écrit par le jeune Charles de Gaulle m’ennuie mais je ne veux pas vexer son jeune auteur. Il s’est donné du mal. Il attend un commentaire de ma part et je sens que mon appréciation pourra l’aider à faire des choix importants dans sa vie. Depuis notre rencontre d’il y a quelques mois, lorsqu’il était dans un collège de jésuites en Belgique, le jeune Charles me fait part régulièrement, dans des courriers toujours sincères, de ses rêves et de ses ambitions.

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Un moment de détente au prestigieux collège Stanislas sous le préau de la cour Bayard. En 1908, Charles de Gaulle y prépare Saint-Cyr au sein de  ce que l’on appelle la « corniche  » .

Je prends ma plume et lui écris, en retour, ces quelques mots :

 » Mon cher Charles

Tout d’abord, lorsqu’on a un joli nom comme le vôtre – de Gaulle – pourquoi écrire sous ce pseudonyme un peu ridicule de  » Charles de Lugale  » ?

Ensuite, je vous confirme que votre style – très littéraire – reste plaisant et que vous avez une réelle sensibilité. La belle Zalaina déploie un charme étrange propre à troubler le jeune officier héros de votre roman. Néanmoins, l’honnêteté m’oblige à vous dire que votre histoire reste assez convenue et s’oubliera vite.

Vous me faites part dans votre missive que vous préparez Saint- Cyr et vous me joignez quelques-uns des devoirs que vous rédigez à la préparation  – la fameuse « corniche » – que vous suivez à Stanislas. Il me semble que vous tenez plus là votre avenir que dans la littérature pure.

Votre composition consacrée au traité de Francfort et aux conséquences entre états européens de la guerre de 1870 – 1871, révèle, chez vous, une vraie vision stratégique que vous auriez tort de ne pas exploiter un jour. Je partage votre point de vue concernant l’immense humiliation morale subie par notre pays qui explique ensuite beaucoup ses choix politiques.

J’ai aussi été frappé par vos mots :  » il y a quelque chose de changé en Europe depuis trois ans et, en le constatant, je pense aux malaises qui précèdent les grandes guerres.  » . Puisse l’avenir vous donner tort. Pour autant, le métier des armes dont vous rêvez attend effectivement des personnalités trempées comme la vôtre. Si le pire arrive, la France aura besoin de jeunes et brillantes énergies. Vous n’en manquez pas.

Je vous souhaite une excellente continuation. « 

17 décembre 1908 : Et si les domestiques nous lâchaient ?

C’est une histoire que l’on raconte lors des réceptions en ville. Il paraît qu’elle est vraie, c’est cela qui terrifie les bourgeois.

Nous sommes dans un grand dîner chez un médecin renommé de la capitale. Les convives passent à table. La soupe est servie et, cuillérée après cuillérée, on découvre que son goût n’est pas fameux. Polis, les invités restent discrets. Quelques domestiques apportent alors le plat principal et disparaissent définitivement.

Le service s’interrompt ainsi pendant cinq minutes. La maîtresse de maison, après avoir adressé un sourire gêné à ses amis, se lève et va voir l’origine de ce désagrément.

Cinq autres minutes s’écoulent. Le maître de maison quitte lui aussi la pièce s’interrogeant sur ce que devient son épouse. Il ne reparaît pas non plus.

Un silence glacial s’installe. Les invités, inquiets, abandonnent la table en masse et partent à leur recherche dans le grand appartement. Arrivés enfin aux cuisines, ils découvrent leurs hôtes effondrés sur une chaise. Une pancarte est collée au mur sur laquelle on peut lire :  » nous quittons votre sale boîte, nous vous emmerdons. Il y en avait dans la soupe.  »

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Deux domestiques, dans les années 1900

Anecdote intéressante. La montée des syndicats et des revendications ouvrières, le sentiment qu’un ordre social qui paraissait immuable se délite, ne laissent pas de tourmenter les franges les plus aisées de la population.

Tous les foyers petits bourgeois ont au moins une « bonne » voire, en plus, un valet de chambre. Dans les grandes maisons, le personnel domestique dépasse la dizaine. La France compte ainsi plus de deux millions de gens de maisons, gouvernantes, cuisinières, majordomes, maîtres d’hôtel, cochers ou palefreniers. Ils préparent les repas, organisent les réceptions, torchent les jeunes enfants, traquent la poussière, soignent les chevaux… en échange de quelques gages. Nourris, blanchis (par eux-mêmes) et logés, ils vivent dans chacun des foyers, serviles, discrets, efficaces. Ils accourent à la sonnette, disparaissent dès qu’ils semblent gêner. Une part d’entre eux  reste toute une vie dans une même maison, au service d’une même famille. Choyés ici, victimes de caprices inadmissibles dans la demeure d’à côté, ils sont tous dépendants du bon vouloir de leurs employeurs et maîtres.

Et si un jour ils se lassaient de cette condition ? Et s’ils partaient sans crier gare, tous en même temps, en claquant la porte ?

Tremble, bourgeois.

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