24 mars 1909 : Cette nuit au Ritz

« Un autre monde s’ouvre à vous ! » Le joaillier Louis Cartier,  me laisse entrer le premier dans le prestigieux hôtel ouvert quelques années plus tôt par un Valaisan de génie, César Ritz.

Le gouvernement a fini par se lasser des fiches de la préfecture de police. Celles-ci lui donnent des informations irremplaçables sur les Apaches et autres bandes de délinquants, elles permettent de suivre à la trace les marginaux, les anarchistes, les extrémistes ou les cambrioleurs mais elles restent désespérément muettes sur le monde des affaires, sur les grandes familles internationales qui décident du succès d’un emprunt public, de l’implantation on de l’extension d’usines, de ventes de brevets industriels ou de transferts de fonds d’une société à une autre.

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Le Ritz accueille de nombreuses têtes couronnées comme Edouard VII et… un seul fonctionnaire sans le sou : moi.

L’invitation que j’ai reçue de Louis Cartier pour fréquenter, à ses frais, le Ritz pendant une ou deux nuits a donc été acceptée par le directeur de cabinet. A charge pour moi de revenir avec des informations fraîches sur les milliardaires américains, les têtes couronnées, les princes en vue et les souverains déchus qui fréquentent l’établissement de la place Vendôme.

César Ritz, prévenu de mon arrivée, m’accueille avec chaleur et m’explique les quelques principes qui ont guidé ses pas :

ritz.1237756452.jpgLe très exigeant César Ritz

« La clientèle ne doit manquer de rien et bénéficie de ce qui se fait de mieux dans tous les domaines. Elle ne choisit pas entre un menu servi rapidement en chambre et une carte où il faut attendre, elle obtient les deux : un menu carte monté dans les étages en un temps record.

Les gens aiment l’hygiène? Ils ont une magnifique salle de bain dans chaque chambre. Ils veulent vivre dans un château? Je leur laisse le choix entre le style Louis XIV, Louis XV ou Régence… La cuisine est tenue par le grand chef Auguste Escoffier, l’argenterie vient de…  »

Je n’écoute plus et observe ce petit monde où les banquiers français côtoient les épouses désoeuvrées de milliardaires new-yorkais de passage à Paris, où les riches roturiers croisent les princes chassés par des révolutions de palais et où les têtes encore couronnées essaient de convaincre de riches industriels de s’implanter dans leurs royaumes. La lumière est intense, les effluves de parfums pas toujours distingués m’enivrent peu à peu. La musique est omniprésente et rend difficile ma concentration sur ma mission.

Le restaurant, luxueux, se révèle bruyant : les Américains, majoritaires, parlent à haute voix, avec force gestes et rires bruyants. Les garçons courent, en sueur dans leur bel uniforme noir. Les plats servis changent effectivement l’ordinaire d’un fonctionnaire comme moi mais ma maladresse à manier les multiples couverts, la peur de tâcher mon habit, ma crainte de commettre une maladresse dans la conversation gâchent un peu ce moment.

De retour dans le grand hall, j’observe Olivier, le maître d’hôtel qui commence à être connu dans le monde entier. Il mène à la baguette ce petit monde et recueille les confidences de ses riches clients. Il leur facilite la vie : « Ces gens puissants ont besoin d’une nounou, vous savez !  »

Louis Cartier est rejoint par une belle et riche amie. Il me salue en me secouant nerveusement deux fois la main que je lui tends distraitement. Je reste seul à continuer mes investigations…

A suivre…

2 commentaires sur “24 mars 1909 : Cette nuit au Ritz

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  1. Le Tigre toujours au poste. Fréquenter, de temps en temps, les grands hôtels et les restaurants étoilés est toujours très instructif. Ecouter les conversations insignifiantes des riches. Interviewer les personnels et apprendre que les fortunés n’hésitent pas à se faire offrir en cadeau ou à voler le peignoir de bain…

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