« J’avais les mains plus libres comme juge ! Un député ne peut guère faire bouger la société tout seul. Il est noyé dans une majorité parlementaire et sa voix se perd dans la multitude. »
Le juge Magnaud, le bon juge, devenu député radical socialiste il y a trois, quatre ans, ne souhaite pas se représenter aux élections prochaines.
Le député Magnaud veut redevenir « le bon juge », fonction qui lui correspond mieux.
Il égrène devant moi ses combats et ses succès de magistrat : Louise Ménard, la voleuse de pain affamée qu’il a acquitté ; cette autre femme désespérée dont il a excusé l’accouchement clandestin qui a conduit au décès de son enfant ; cette ouvrière séduite et devenue fille mère à cause de l’arrogant fils du patron, qu’il a aussi protégée après qu’elle ait tenté, maladroitement, de se révolter.
On ne compte plus les accidents du travail où son action en faveur des victimes a été décisive.
Le président Magnaud avait commencé à changer le monde dans son petit tribunal de Château-Thierry. Les faibles se sentaient protégés, les puissants devaient filer droit.
Paul Magnaud veut reprendre la robe : » J’ai beaucoup cru qu’à la Commission de réforme judiciaire, je pourrais agir pour le bien du peuple et faire passer des lois de bon sens pour aboutir à une justice plus humaine. Il n’en a rien été. Mon projet de « Loi de Pardon » protégeant les délinquants occasionnels, reste enterré. L’ordre du jour de la Chambre est verrouillé, mon temps de parole réduit à la portion congrue. Mes collègues députés me regardent comme une icône mais se moquent de mes combats ».
Nous prenons une carte de France : où le « bon juge » pourrait-il à nouveau apporter sa justice généreuse ? Dans quelle région faut-il un homme de sa trempe pour redresser les torts, rééquilibrer la balance du droit en faveur de ceux qui ne savent se défendre ?
La France est si grande, le juge est si seul.
Je m’exclame : » en fait, il faudrait vous nommer Garde des Sceaux ! »
Il me répond, du tac au tac :
» Et vous croyez vraiment qu’un Garde des Sceaux peut faire bouger notre lourde Justice ? »
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