Cette République qui n’aurait pas dû exister, fêtera bientôt ses trente-cinq ans. Ce régime qui devrait s’effondrer, renaît en permanence. Des conservateurs naguère tout puissants doivent s’effacer devant une gauche devenue hégémonique. Une instabilité ministérielle cache une vraie continuité de l’Etat.
Notre IIIème République se révèle paradoxale.
Au départ bâtie pour permettre le retour au pouvoir du comte de Chambord, la République ne doit sa survie qu’au refus par ce dernier d’adopter le drapeau tricolore. Conçue par des rédacteurs majoritairement royalistes ou républicains conservateurs, elle fait la part belle aux pouvoirs du Président de la République qui a droit de dissolution de la Chambre et peut refuser la promulgation d’une loi. Adoptée par des démocrates convaincus, elle donne, dans les faits, tous les pouvoirs à l’Assemblée nationale depuis que Jules Grévy, Président en 1879, a accepté de s’effacer devant la représentation nationale. On se rappelle ses mots fameux : » Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale, exprimée par ses organes institutionnels. »
Depuis ces débuts incertains, la République a su bâtir. La grande loi sur la presse de 1881, les textes fondateurs sur l’école, l’encadrement très libéral des associations à partir de 1901, sont autant de pages glorieuses d’un régime qui place les libertés au-dessus de tout et se méfie du pouvoir personnel ou des autorités sans contrôle.
Certes, les débats à la Chambre n’en finissent plus. Les mots assassins entre parlementaires s’étalent dans les comptes-rendus des journaux à grand tirage et ne grandissent pas toujours leurs auteurs. Effectivement, chaque bureau de ministère doit compter sur le soutien de parlementaires versatiles s’il ne veut disparaître. C’est une donnée établie qu’une réforme ne peut se construire qu’avec une majorité puissante, travaillée au corps par des ministres et des cabinets qui passent ainsi plus de temps à Paris que dans les régions qui se sentent oubliées.
La Chambre des députés : là où tout se décide à partir de 1879
Cependant, en 1909, chaque Français a le sentiment d’avoir prise sur les affaires publiques. Il connaît son député et peut suivre ses interventions dans les colonnes de la presse populaire qui laisse un espace conséquent aux articles relatant la vie de la Chambre. Aucun débat public n’échappe à la mise en perspective du Parlement : peine de mort, impôt sur le revenu, loi sur les retraites, protection des travailleurs contre la maladie ou les accidents, libertés individuelles, défense nationale. Rien ne se décide dans les soupentes des ministères, les experts doivent rendre compte, les fonctionnaires se vivent comme les serviteurs d’une puissance publique dont ils n’ont pas le monopole.
La précarité des ministères est compensée par la permanence et la hauteur de vue du Président de la République. Maître des horloges, garant d’un intérêt général au-dessus des partis, il veille à ce que les gouvernements en place correspondent bien aux attentes des Français. Il n’intervient pas dans les dossiers en cours mais dispense conseils et recommandations, il ne nomme pas à tous les postes clefs de l’administration mais évalue l’activité du Président du conseil. Arbitre suprême, loin des tumultes, méfiant envers les modes et résistants aux vagues sans lendemain, il rassure et rassemble. On conspue les ministres, on raille le Président du Conseil, on tourne en dérision la Chambre mais on respecte le Président de la République.
La République nous aide-t-elle à bien entrer dans ce XXème siècle riche de promesses et lourd de menaces ?
Les Français savent quasiment tous lire et écrire. L’industrie automobile se développe très vite, les voies de chemin de fer se multiplient, les médecins n’ont jamais été aussi compétents, nos compatriotes rivalisent dans les airs ou lancent des transatlantiques toujours plus rapides et confortables.
« Plus vite, plus haut, plus fort ». Une devise olympique, miroir d’une République qui a fait oublier le désastre de Sedan, une phrase adoptée par Pierre de Coubertin… un des nombreux Français de notre époque que personne n’oubliera.
bonjour. Grévy a été élu en1879, suite à la démission de mac Mahon et a inauguré la présidence creuse, caractéristique de la III° république. Rééelu , il démissionna en 1887 à la suite du scandale de la Légion d’Honneur, que son gendre Wilson vendait à droite et à gauche. Même si Grévy est innocent , ça ne plaide pas en sa faveur.
Découvrant votre blog, je ne sais pas si et comment vous avez traité la question des rapports entre la république et les religions. Vous dites de la loi de1901 qu’elle est très libérale, ça me fait penser aux Indiens qu’on s’est mis à protéger après les avoir exterminés. cf l’expulsion de congrégations monastique du genre les Chartreux, sans doute très dangereux dans leurs montagnes… l’anticléricalisme , à mes yeux, stérile, a servi d’argument de progressisme,alors que dans le même temps, à Fourmies ou à Draveil, l’armée de la république canardait les ouvriers manifestant…
J’aimeJ’aime
Cher Erka
La loi de 1901 est surtout citée dans ce qu’elle a de libéral pour les associations en général.
Pour ce qui est des rapports entre l’Eglise et l’Etat, ils ont bien été abordés dans ce journal qui comporte 24 articles qui traitent, de près ou de loin, de la religion.
Le sujet, souvent complexe, douloureux parfois, mérite que l’on ne juge pas trop vite, avec les lunettes d’aujourd’hui, ce qui s’est passé il y a cent ans.
Pour mémoire, Clemenceau, ex-patron bien aimé d’Olivier le Tigre, avait donné des consignes d’apaisement (par exemple sur les « inventaires »).
L’auteur
J’aimeJ’aime
« Il ne faut pas ré-ouvrir la boite de pandore. »
Plus de 100 ans ont passé, les avis sont toujours aussi partagés.
J’aimeJ’aime
La république, ça passera, comme une vilaine mode. Les français ont dans leur coeur le sens du beau et du sacré qui ne peut s’incarner que dans la royauté. Bientôt se refermera la parenthèse républicaine qui, dans le futur, ne sera considérée que comme une bizarre anomalie politique du dix neuvième siècle ayant légèrement débordé dans le vingtième.
J’aimeJ’aime