27 septembre 1909 : Le général n’enlèvera pas son pantalon rouge

 » Les soldats doivent être prêts pour le sacrifice suprême !  »

Le général, à la poitrine couverte de lourdes et étincelantes médailles, se recale dans son fauteuil, satisfait de sa sortie.

Je reprends mon argumentaire patiemment :

« L’arrivée des mitrailleuses dans les armées, les possibilités de tirs rapides et de précisions, sur longue distance, grâce à des fusils de plus en plus perfectionnés, rend les uniformes français inadaptés. Le pantalon garance de nos fantassins se révèle trop visible et les transforme en cibles idéales. L’assaut des lignes ennemies risque d’être affreusement meurtrier. Il serait souhaitable que le ministère de la Guerre fasse des propositions de remplacement. »

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Mon intégration au cabinet de Briand me conduit à présider une réunion interministérielle où je dois faire face à une hiérarchie militaire conservatrice et à un sous-directeur de la rue de Rivoli peu disposé à faire des concessions.

Le général plonge son regard dans le mien et assène :

 » Monsieur le conseiller, le ministère sait ce qu’il a à faire en matière d’investissements. Plutôt que changer tous les pantalons de nos soldats, dans l’active comme dans les réserves, nous préférons renouveler notre flotte ou augmenter le nombre de canons de 75 de chaque régiment. »

Le sous-directeur du budget complète :

« Il n’est pas question de procéder à la moindre rallonge budgétaire sur un tel sujet. Si l’armée souhaite changer de pantalon, il faudra sabrer ailleurs, sur une autre ligne de crédits. »

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Le général se sent, d’un coup, spirituel :

 » Si je peux me permettre… et c’est le cas de le dire : ce serait déshabiller Pierre pour habiller Paul !  » Il rit seul de ce médiocre trait d’esprit et tapote sur la table, satisfait d’avoir trouvé un allié à la rue de Rivoli pour bloquer ma proposition.

Je poursuis, un peu découragé :

 » Maintenant que les pantalons rouges de nos soldats ne sont plus teints avec une plante venant du Midi mais avec de l’alizarine que nous importons… d’Allemagne, nous ne pouvons plus guère invoquer la préservation des intérêts économiques français pour refuser le remplacement des pantalons.  »

Le général reprend :  » Vous imaginez un défilé de 14 juillet à Longchamp sans pantalon de couleur vive, avec des uniformes verts et gris, tristes et sans saveur ? Le rouge, c’est le symbole des armées révolutionnaires, des troupes victorieuses de la République en danger. Le rouge, c’est le sang pur qui abreuve nos sillons !  »

Je ne peux m’empêcher :  » Vous êtes bien lyrique, mon général.  »

La réunion s’achève. Il m’est impossible de passer en force contre deux ministères faisant bloc. Nos soldats garderont donc leurs beaux pantalons garance qui rendent leurs uniformes si attrayants pour les jeunes enfants – et les jeunes filles amoureuses –  dans les multiples défilés de nos fiers régiments implantés sur tout le territoire national.

Et pour l’efficacité militaire ? Nous verrons bien, le moment venu, si un conflit survient…

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Les beaux uniformes français sont aussi de belles cibles pour l’armée allemande.

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Et puis, en souvenir du grand-père d’un lecteur : un zouave avec son magnifique pantalon rouge.

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