« Mais non, je ne suis pas fou ! » M. Ribot, nouvel « employé » des cuisines à l’hôpital Sainte-Anne ne sait comment convaincre ses interlocuteurs. Il raconte son calvaire : le fait qu’il parlait fort et seul, pendant son travail, dans son entreprise de cordonnerie à Arcueil ; la dénonciation anonyme qui a conduit à son arrestation par la police puis à son placement d’office par décision de la préfecture après juste un court interrogatoire par la secrétaire du commissaire de police ; son examen par les médecins dès son arrivée à Sainte-Anne et ses propos jugés incohérents à ce moment (il protestait avec véhémence contre son internement, on a considéré qu’il était atteint du délire de la persécution) puis son enfermement en cellule la nuit et son affectation à la plonge du réfectoire dans la journée.
Une cellule à l’hôpital Sainte-Anne
M. Ribot insiste pour être ausculté à nouveau. Le responsable de la cantine l’observant depuis quelques jours, plaide en sa faveur et rend un rapport s’étonnant de son hospitalisation. L’infirmière d’étage l’écoute longuement et alerte aussi les médecins qui acceptent de se pencher à nouveau sur son cas.
Une semaine plus tard, deux professeurs de médecine interrogent Ribot, hochent gravement la tête à la fin de l’entretien et concluent qu’il est en parfaite possession de ses moyens. Le directeur de l’hôpital refuse pourtant la sortie :
« Vous comprenez, moi j’ai un ordre d’internement en bonne et due forme de la préfecture de police et seule cette administration peut mettre fin à votre séjour chez nous. » Il oublie d’ajouter que le rapport des médecins devrait, sous une dizaine de jours, modifier la décision administrative et mettre fin à l’internement.
Le traitement des malades par un puissant jet d’eau froide
Ribot, à bout de patience, décide de faire le mur et rejoint son domicile.
Accueilli avec joie par ses collègues et ses amis, il reprend son travail de cordonnier… en continuant de parler seul quand il se concentre sur sa tâche.
Trois mois après, Ribot se rend à la préfecture, avec un mot de son patron, pour régulariser sa situation administrative (officiellement, il est recherché pour évasion d’un hospice après placement d’office). L’employée au guichet le dévisage longuement et fait venir son chef. Ce dernier, considérant que l’intéressé fait l’objet d’une mesure d’internement n’ayant pas pris fin et qui constate qu’il s’est rendu, de surcroît, coupable d’évasion, fait procéder à une nouvelle arrestation en demandant les renforts des policiers des services voisins.
Le lendemain, M. Ribot travaille de nouveau à la plonge du réfectoire de Sainte-Anne, plus désespéré que jamais.
C’est alors qu’une manifestation peu commune de solidarité se met en place. Tout le quartier du pauvre sieur Ribot se mobilise pour exiger sa libération : les proches, ses chefs, les voisins, les commerçants et enfin le maire d’Arcueil. Les uns et les autres insistent sur le fait que l’on peut parler seul à son travail sans être pour autant « dérangé » et démontrent, dans un long courrier signé par de multiples mains, que Ribot demeure tout à fait sain d’esprit.
Les médecins de Sainte-Anne produisent un nouveau rapport attestant de sa bonne santé mentale.
A ce jour, la préfecture de police n’a toujours pas donné de réponse. La presse commence à s’emparer de l’affaire.
Le maire d’Arcueil, M. Vaissières, agissant après délibération de son conseil municipal, a demandé un entretien au cabinet du ministre. Je le reçois aujourd’hui.
A suivre…
Un malade à l’hôpital Sainte-Anne
Et dire que je parle tout haut quand je fais la cuisine. Il va falloir parler tout bas ! Sinon !
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