30 octobre 1910 : Briand sauve sa tête

Briand a sauvé sa tête. Avec maestria. Nous avons répété ensemble hier soir et une partie de la nuit. Tout a été travaillé et rien n’a été laissé au hasard. Je lui ai proposé de se défendre face aux députés outrés par sa bévue de la veille, en utilisant trois méthodes : l’explication, la dramatisation… et l’humour.

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Jean Cruppi a été l’un des parlementaires scandalisés par les propos d’Aristide Briand hier.

Explication : Aujourd’hui, devant la Chambre, Briand est donc revenu sur l’incident de la veille où il avait donné l’impression qu’il pouvait choisir de rentrer dans l’illégalité si les circonstances l’exigeaient. Il a insisté sur le fait qu’il avait été interrompu dans son argumentation et que ses propos étaient plus nuancés qu’ils n’y paraissaient. Il a aussi évoqué sa profonde fatigue consécutive au dur conflit avec les cheminots. Fatigue qui explique une moindre vigilance dans son discours. Sa sincérité et son humilité ont fait merveille quand il est revenu sur ce moment douloureux.

Dramatisation : Le Président du Conseil a laissé entendre habilement que son gouvernement qui venait de ramener le calme dans des circonstances difficiles, restait un rempart contre les désordres. Les députés gagnaient donc à ne pas faire tomber le Ministère maintenant. Sauf à faire, en quelque sorte, un saut dans l’inconnu. Plus, il fallait même éviter une « demi-confiance » qui laisserait le gouvernement faible et sans autorité.

Briand a aussi tendu ses mains en direction des parlementaires et après un silence un peu théâtral, il leur a dit, pour rappeler que le calme était revenu dans les trains sans charge de la troupe et sans tir des soldats : « Voyez, je n’ai pas de sang sur les mains »

Humour : Il était prévu que Briand fasse basculer les rieurs de son côté. Quelques petites phrases bien tournées ont conquis l’assistance. Nous retiendrons surtout ces deux là : « Dictateur ? Eh bien je suis un dictateur fragile et si c’est là la dictature, je peux vous dire que la séance d’hier ne m’y encourage guère ! »

« Je viens remettre mon sort entre vos mains et si vous voulez le briser, je vous demande une chose : de le faire en plein jour et non dans un cave ! ».

Résultat de cette défense bien menée, un vote de confiance de 329 voix contre 183.

Briand a regagné son banc. Avant de s’asseoir, il a pris le temps de me faire un signe de tête avec un sourire et un regard exprimant la gratitude.

Le Patron est sauvé.

Je rentre chez moi, épuisé par le labeur et l’émotion et je vais dormir… enfin.

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