Un fonctionnaire français, même assez haut gradé, ne roule pas sur l’or. L’arrivée de « l’enveloppe ministre » reste donc toujours la bienvenue. En fin d’année, une somme en liquide est remise, par le Président du conseil, directement au directeur de cabinet, à charge pour lui de redistribuer ces fonds aux différents proches collaborateurs méritants. Cette pratique méconnue, un peu opaque mais traditionnelle n’est pas trop critiquée par les collègues de la rue de Rivoli, notamment les conseillers de M. Caillaux… qui profitent d’un système identique.
Pour cette année, c’est une somme assez rondelette par rapport à mon modeste traitement habituel de maître des requêtes au Conseil d’Etat (c’est mon grade… et mon emploi si je quitte G. Clemenceau) qui est arrivée sur la table familiale, à la grande satisfaction de mon épouse.
Que faire de cet argent ?
Un débat nourri s’ouvre entre ma femme et moi. Je rêve d’une automobile, elle ne jure que par la rénovation de notre salon.
Pour être honnête, il faut convenir que mes désirs demeurent assez largement inaccessibles et hors de portée de notre bourse même arrondie par la prime de fin d’année.
La nouvelle Peugeot de type 105 qui pourrait contenir nos deux -et bientôt trois – enfants ne peut être acquise que par des grands bourgeois et engloutirait une bonne année de mon traitement.
Si je me rabats sur la nouvelle Renault AX, plus simple et moins coûteuse, ma femme me fait remarquer que je serai le seul à en profiter compte tenu de la place disponible dans l’habitacle.
Exit donc le rêve d’automobile.
Reste à examiner celui de ma femme : un salon avec « de vrais beaux meubles en Art Nouveau ».
L’oeil est séduit. Les lignes sont audacieuses.
Cette baquette Hector Guimard partira dans un salon d’un grand appartement de l’avenue Foch… mais pas chez nous. Elle est hors de prix.
Plus modestement, nous regardons ce joli guéridon Libellule d’Emile Gallé :
L’étiquette nous dissuade encore d’aller plus loin.
En désespoir de cause, nous nous rabattons sur ce que nous croyons être une modeste chaise (réalisée par Hector Guimard) :
Là encore, nous devons renoncer, sauf à engloutir une part déraisonnable de nos économies.
Il nous reste à visiter les ébénistes plus modestes de la rue du Faubourd-Saint-Antoine. Ils ne sont pas versés forcément dans l’Art nouveau mais ils pratiquent des prix accessibles… et négociables.
Avant de nous diriger vers le XIIème arrondissement, je fais une dernière tentative :
» Chérie… et si nous mettions de l’argent de côté, par exemple en achetant des emprunts russes, pour pouvoir s’offrir la toute nouvelle Ford T quand elle arrivera sur le sol français ? « .
La réponse de ma femme, à l’esprit très pratique, est sans appel :
» Il faut profiter de la vie tout de suite. Investir un sou dans le régime fragile des tsars ne me dit rien qui vaille. Je crains que si nous plaçions ainsi nos économies, nous ne pourrions avoir, au bout du compte, ni automobile, ni meuble ! « .
je possede 1 plaque commemorative du salon de l auto de moscou 1908 grave par :e.blin .je voudrai savoir si elle a 1 valeur .merci
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