Il nous arrive d’Inde ou d’Indochine. L’opium commence à envahir les ports français et à se répandre au sein de la population.
Il n’est pas évident de se faire une opinion sur l’arrivée de toutes ces substances issues du pavot.
Certains médecins disent qu’elles « font du bien » et insistent sur leurs vertus analgésiques. Les laboratoires pharmaceutiques allemands Bayer diffusent à grand renfort de publicité des petits flacons d’héroïne, dans toutes les pharmacies. J’ai sur mon bureau une brochure qui vante les propriétés de ce nouveau produit, qui semble compléter avec bonheur l’aspirine et permettrait de sauver les personnes devenues dépendantes de la morphine :
Brochure des laboratoires Bayer éditée en 1900
Petite bouteille d’héroïne commercialisée par les laboratoires Bayer au début des années 1900
D’autres professionnels des hôpitaux commencent à tirer la sonnette d’alarme sur les risques liés à l’opium proprement dit.
Ils indiquent qu’ils récupèrent des patients dans des états lamentables. Les habitués de l’opium ne dorment plus, sont victimes de tremblements, tiennent des propos incohérents, vomissent, maigrissent et font des cauchemars éveillés.
En attendant que le monde des scientifiques ait tranché, le ministère de l’Intérieur doit être vigilant vis à vis des troubles à l’ordre public qui peuvent découler des trafics de ces substances.
La police marseillaise a déjà été obligée de renforcer ses effectifs pour lutter contre les bandes de voyous qui déchargent les bateaux originaires d’Asie et écoulent des substances toxiques sur toutes les villes du Sud. Le préfet des Bouches du Rhône nous alerte sur les arrivages prévus sur la capitale et sur le caractère dangereux des bandes chargées de leur commercialisation.
Je prépare actuellement une réunion que j’animerai demain avec les services -rivaux- de la Sûreté et de la Préfecture de police. L’objet de cette rencontre est « la chasse aux poisons modernes ».
Il va falloir convaincre les hommes de la célèbre Brigade Mondaine, dépendant de la Préfecture, de s’occuper de cette nouvelle forme de banditisme. S’ils refusent (la prostitution et les jeux leur demandent déjà beaucoup de travail), je leur indiquerai que le ministère s’appuiera, dans ce cas, exclusivement sur la Sûreté générale (et ses récentes brigades mobiles), compétente sur tout le territoire national.
La guerre des polices comme moteur de motivation dans les services ?
A suivre…