16 mars 1908 : Churchill veut-il habiller les Africains à la dernière mode de Londres ?

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Winston Churchill dans les années 1900

Il est fougueux, brillant, dévoré par l’ambition. Secrétaire d’Etat aux colonies de sa gracieuse Majesté britannique à trente-trois ans, Winston Churchill seconde le ministre en titre Lord Elgin, beaucoup plus âgé et effacé que lui.

Alors que le vétéran siège dans une chambre des Lords souvent assoupie, le fringant second fait preuve quant à lui d’un véritable talent oratoire à la chambre des communes où se joue en fait l’avenir de la démocratie anglaise.

A Londres, au Colonial Office, Churchill bombarde son chef de rapports ou de notes où il propose innovations, inflexions ou réformes sur un ton affirmé. Il finit parfois ses notes audacieuses et énergiques par une phrase du style  : « Telles sont mes vues » . Le vieux ministre agacé lui retourne alors sèchement le document avec les simples mots : « Mais pas les miennes « .

Ne supportant plus ce qu’il considère comme de l’immobilisme, désireux de vérifier sur place la justesse de ses vues, Churchill est parti d’octobre 1907 à janvier 1908 en Afrique noire. Il en revient avec un livre curieux qui agace beaucoup mon propre patron et tous les tièdes de mon ministère par rapport aux thèses coloniales : « My African Journey ».

La thèse est simple : L’Ouganda visité par le jeune Churchill pourrait faire l’objet d’un socialisme d’Etat où des administrateurs blancs encadreraient des travailleurs noirs pour produire du coton. Celui-ci serait manufacturé dans les usines de Grande Bretagne. Les vêtements produits seraient ensuite vendus aux populations noires des colonies pour les arracher à leur « nudité primitive » (sic).

Le jeune ministre a écrit cette théorie sur un carnet lorsqu’il était juché, fier comme Artaban, le fusil à la main, sur une locomotive traversant la savane de Nairobi à Kampala, capitale de l’Ouganda. Il fallait le voir à la tête d’une colonne de près de 500 porteurs, ivre de la puissance que représente la Couronne britannique !

Persuadé de son droit à apporter la Civilisation aux peuplades rencontrées, il rejoint Londres la tête farcie de rêves de grandeur et de certitudes pour son royaume.

A la lecture de « My African Journey », Clemenceau a eu ce jugement lapidaire : « Espérons que ce torchon irréaliste n’ira pas enflammer nos coloniaux français. Heureusement, aucun d’eux ne sait lire trois mots d’anglais ! Et le livre n’est pas encore traduit. Ainsi, nous serons préservés des visions dangereuses de ce jeune anglais par la nullité en langue de nos élites gauloises ».

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