26 mars 1908 : Le Tibet est prié de se faire oublier

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Le Potala, palais du Dalaï Lama, 1908

Le Quai d’Orsay souhaite avoir une position du Président du Conseil concernant le Tibet. Le Pays des Neiges, riche d’une Histoire où se mêlent guerres, religion et légendes, fait l’objet de multiples convoitises.

Les Anglais ont envoyé des troupes sur ses montagnes afin de barrer l’accès aux Russes. Les Chinois ont, quant à eux, entamé une opération de sinisation de la population à travers la suzeraineté qu’ils exercent de fait sur le pays.

D’après ce que je crois comprendre des notes issues du Quai, l’influence chinoise mène à un réel développement d’un pays jusque-là largement arriéré. L’électricité, le télégraphe, l’hygiène se répandent grâce à la Chine.

Pour autant, les grandes puissances négligent complètement le facteur religieux dans cette nation profondément bouddhiste. Par leur faute, le treizième Dalaï Lama, chef religieux suprême et profondément respecté du peuple, peine à jouer le rôle politique stabilisateur qui  pourrait être le sien.

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Le 13ème Dalaï-Lama,  Thubten Gyatso

Ce dernier qui souhaite nouer le plus de relations diplomatiques possibles avec les grands pays, aimerait un soutien de Paris et un appui français pour plus d’indépendance de son peuple.

Dans mon rapport à Clemenceau, je déconseille pour autant d’aller plus avant dans le soutien au Tibet.

En effet, les grands contrats commerciaux qui peuvent être signés avec une Chine qui commence à s’ouvrir largement à l’Europe, pourraient pâtir d’une position trop affirmée de notre part dans cette région montagneuse, sans grand intérêt économique. En outre, il faut éviter à tout prix de déplaire à nos alliés anglais et russes qui considèrent le Tibet comme une zone qui doit échapper aux regards des autres puissances occidentales.

La ligne officielle que je suis dans l’obligation de proposer, dictée par l’intérêt financier et industriel de la France et conforme à notre position diplomatique et militaire dans la Triple Entente, me laisse un arrière goût amer.

Je sens que les fonctionnaires du Quai d’Orsay qui nous communiquent avec beaucoup de précisions des informations sur le vaillant peuple tibétain, auraient aimé une attitude plus compréhensive à son égard, venant de la tête de l’exécutif.

Mais que pèsent quelques bonzes, quelques monastères et traditions merveilleuses face à une France radicale, volontiers anti-cléricale, qui s’efforce, à tout prix, de regagner une place de choix parmi les grandes puissances ?

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