Mission à Vienne, suite…
L’Empereur d’Autriche François Joseph 1er
Son peuple l’aime. Gros travailleur, il se dévoue totalement au service de l’Etat. Il sait écouter, il a sans doute su nous écouter. François-Joseph, l’empereur d’Autriche Hongrie, nous a reçu, l’ambassadeur de France et moi, pendant un quart d’heure, au Hofburg. Nous étions 3 ème sur la liste des cinquante entrevues prévues pour la journée.
Les audiences commençant à 10 heures du matin, nous sommes « passés » un peu avant 11 heures. Le souverain était détendu, souriant et très en forme pour son âge. Levé, comme à son habitude, dès quatre heures du matin, il avait lu le mémoire adressé par l’ambassade avant notre venue. Son aide de camp nous a indiqué, avant que nous soyons introduits, qu’il avait aussi travaillé différents dossiers relatifs à la France, pour ne pas être pris au dépourvu par nos éventuelles questions.
Mon objectif était de recueillir quelques indications de la part du souverain sur ce que ferait l’Autriche dans telle ou telle situation de tension internationale.
Je suis resté, de ce point de vue, sur ma faim. L’Empereur est resté presque silencieux tout le long de l’entrevue. Attentif, s’exprimant avec bonté, il relançait l’ambassadeur dès qu’un long silence risquait de s’installer.
Pour le coup, il faut avouer que je reviens bredouille. La discrétion de l’Empereur ainsi qu’une certaine rouerie de sa part, l’on conduit à ne pas dévoiler la moindre carte sur ses intentions stratégiques.
En fait, m’explique l’ambassadeur fin connaisseur des lieux de pouvoir viennois, dans l’automobile qui nous reconduit à l’ambassade, les conseillers, ministres, aides de camp, ont beaucoup d’influence au Hofburg. Il convient dès lors, plutôt que de parler avec l’Empereur directement (ce qui ne mène à rien), de surveiller les nominations des collaborateurs proches de François-Joseph. Si l’on veut décrypter la ligne politique de l’Empire des Habsbourg, c’est avec eux qu’il faut nouer des contacts.
L’ambassadeur qui se délecte de ces observations et analyses, m’indique qu’il se méfie, par exemple, d’un homme comme Leopold Berchtold, ambassadeur à Londres, puis à Paris et qui occupe actuellement ce poste en Russie. Ambitieux, promis à un bel avenir en raison de la confiance que lui accorde François-Joseph, Berchtold déteste les serbes (qui le lui rendent bien) et pourraient pousser, avec d’autres, l’Empereur à prendre des positions dangereuses pour la paix.
A la réflexion, l’entrevue impériale n’a pas été totalement un échec. En fait, j’ai été sauvé par une question plus personnelle posée avec un peu d’ironie par l’Empereur à quelques minutes de la fin de la rencontre.
« Mais, vous n’êtes pas venu ici à Vienne, que pour travailler, Monsieur le conseiller ? On me dit que vous avez rencontré notre bon Klimt ? «
Ma réponse enflammée sur le génie de ce peintre a entraîné cette répartie du souverain :
» Je ne pense pas pouvoir satisfaire beaucoup la curiosité légitime de votre patron Clémenceau…qui devrait venir lui-même s’il veut connaître mes intentions. En revanche, si vous avez un moment, je serais ravi de vous accueillir à Schönbrunn et vous montrer quelques oeuvres de Gustav Klimt. Votre curiosité artistique sera, elle, satisfaite. «
J’ai accepté avec empressement. Le château de Schönbrunn, des toiles hors du commun…de quoi conclure un séjour viennois dans l’émerveillement !
Le Château de Schönbrunn, résidence privée de l’Empereur.
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