20 mai 1909 : Passez-moi Bach d’abord !

Les concerts, les restaurants le soir, c’est fini. A partir de sept heures du soir, la bonne rentre chez elle et nous restons avec nos trois enfants.

Quand les marmots sont couchés, à quoi passer nos soirées ? Les amis sont souvent invités dans l’après midi (mon épouse reçoit chaque jeudi) ; je fuis les relations de travail et la lecture du dernier Pardaillan, feuilleton de cape et d’épée de Michel Zévaco, soigneusement découpé à partir du journal « Le Matin » , commence à lasser.

La musique me manque. Je fredonne souvent Mozart ou Bach. Je regrette les ambiances de concert où Debussy ou Ravel nous faisaient découvrir une nouvelle façon de faire de la musique.

Ma femme, l’esprit pratique, me suggère :

– Achète-toi un phonographe !

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Recommandation qu’elle n’a pas besoin de répéter deux fois. Depuis hier, les catalogues des fabricants remplissent la maison. Va-t-on acheter français ? Pathé propose de forts beaux appareils à un peu plus de 60 francs. Fera-t-on plutôt confiance à la qualité suisse ? Les usines Paillard de Sainte-Croix semblent fabriquer des modèles robustes et fiables.

Mes collègues sont partagés en deux camps. Le premier considère que le bruit de fond produit par les frottements de l’aiguille sur le disque est définitivement insupportable et qu’il vaut mieux renoncer à écouter Bach plutôt que « cette bouillie sonore ».

Le second camp, de plus en plus nombreux, consulte avec délice le catalogue Pathé qui contient déjà plus de 15 000 titres et couvre une part non négligeable du répertoire classique ou le catalogue Columbia qui fait paraître depuis 1903 les ‘Grand Opera Recordings’, une série d’enregistrements réalisés par les plus grands chanteurs du Metropolitan Opera. Si on ne trouve pas chaussure à son pied, il reste Deutsche Grammophon qui propose des grands airs de Caruso, Melba ou Chaliapin.

Moi, il me faut Bach. Génie oublié pendant nos années 1900, dédaigné au profit de l’opéra italien, de Bizet, Gounod, Massenet ou Wagner… sans parler de la grosse cavalerie Offenbachienne qui a bercé mes jeunes années mais a fini par m’agacer.

Trouver Bach en France en 1909 ?  Quelques area qui se battent en duel, une ou deux « suites » sans lendemain, trois fugues mal jouées, point de Passion ou de Messe. Personne n’achète un gramophone à disque pour cette musique jugée répétitive, monocolore et finalement ennuyeuse. Aucune maison française ne prend le risque de l’enregistrement.

De multiples modèles de phonographe me tendent les bras… mais Bach semble caché dans quelques églises ou abbayes allemandes, loin des oreilles françaises.

Ma mère, de bon conseil, me suggère :  » Bach ? mais mon petit, si tu allais plus souvent à la messe, tu l’entendrais tous les dimanches !  »

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