« Mais enfin, offrez-lui un chapeau un peu original! Jetez un oeil sur celui-ci! » Le couvre-chef que l’on me tend descend sur le front, n’est pas imposant et a oublié les plumes d’autruche qu’aimait ma mère. Pourtant, sa forme assez peu commune se remarque vite. Il cache les cheveux mais magnifie le visage. Sombre à l’arrière, il est garni de motifs blancs et bleus avec de petites perles au-dessus d’une courte visière.
Une jeune et jolie modiste me propose d’offrir un chapeau original à ma femme…
» Votre femme peut faire du cheval avec… » me suggère la patronne du magasin.
– Mais mon épouse n’est plus jamais monté à cheval depuis sa tendre jeunesse.
– Peu importe, l’essentiel, c’est le style sportif, l’allure sobre et éloignée de ce qui se fait trop souvent dans le grand monde. Ce chapeau se porte avec une robe simple, sans tournure. La taille de votre femme se soulignera d’elle-même sans artifice inutile. Son visage – que j’imagine délicat – sera mis en valeur par ce chapeau qui convient à celles qui savent avoir un port de tête de reine.
La jeune modiste tire délicatement sur une cigarette de marque anglaise tout en me parlant. Jolie brune, un peu enjôleuse, elle plonge son regard noisette dans le mien et semble ne vouloir le retirer que lorsque j’aurai pris la décision d’acheter l’un de ses articles. Elle reprend :
– Tous les accessoires de mode dans ce magasin sont mes créations. Ils sont le reflet de ce j’aime porter quand je vis à Paris ou à Compiègne.
– Mais ce n’est pas trop élégant pour une promenade en forêt et… un peu désinvolte pour une sortie en ville ?
– Justement, le charme d’une femme moderne se distingue de cette façon !
Je finis par me décider pour le chapeau noir de la « cavalière ». Après qu’il ait été placé dans une volumineuse boîte en carton, avec un gros ruban noir et blanc, difficile à cacher quand je rentrerai au bureau, je sors mon chéquier :
– Je le rédige à l’ordre de « Gabrielle Chanel » ?
– Bien sûr. Mais, si vous revenez me voir seul, cher Monsieur, vous pourrez m’appeler par le petit surnom que me donnent certains amis gentlemen : « Coco ».
Quand vous reviendrez, cher Monsieur, appelez-moi Coco…