1er décembre 1908 : La balance à peser les émotions

L’homme rentre dans le cabinet du professeur Mosso, il est intimidé. Le médecin lui demande de se mettre en sous vêtements et de s’allonger sur le dos en désignant un appareil d’un type très particulier.

Le sujet, avec l’aide d’une assistante, s’étend alors bien à plat sur une longue planche horizontale. En tournant la tête, il a le temps de voir qu’elle est montée de façon à pouvoir osciller librement mais dans un angle limité, autour des couteaux qui la soutienne en son milieu comme le fléau d’une balance. Une longue tige en acier se déplace sur un tableau gradué et indique en les amplifiant la valeur des oscillations de l’appareil. 

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Année 1908 : les Français se passionnent pour les expériences du professeur de l’université de Turin Angelo Mosso. Beaucoup pensent que grâce à lui, la physique pourra bientôt expliquer totalement le fonctionnement du cerveau et que les maladies mentales pourront être soignées dans un avenir proche.

Le professeur parle avec un fort accent italien. Ses ordres sont brefs, il prend des notes au fur et à mesure de l’expérience.

– Monsieur, je vous demande de vous détendre totalement et de ne penser à rien. Voilà, vous y êtes ?

– Oui, professeur.

– Très bien, l’aiguille de mesure est au centre du tableau gradué. Je constate avec satisfaction que vous m’obéissez parfaitement.

Une longue minute s’écoule. Le médecin reprend :

– Ecoutez-moi bien… A la fin de l’expérience, Monsieur, sachez que je vous donnerai une pièce de cent sous.

Au bout d’une seconde à peine, l’aiguille oscille vers la gauche.

– Cher Monsieur, je vois que ma promesse vous fait plaisir… Elle provoque un afflux de sang vers votre tête, déplacement mesurable par ma balance ultra sensible… Bon… Détendez-vous à nouveau et ne pensez plus à cette pièce. 

L’aiguille revient au centre.

– Ecoutez Monsieur, finalement votre tête ne me revient pas du tout. Vous n’aurez pas votre pièce, vous ne la méritez pas…

Ah, parfait, cela vous met en colère… Vous avez l’air bête, Monsieur, dans vos sous vêtements ! Parfait, parfait ! Votre énervement augmente et vos muscles se tendent. Un afflux de sang se dirige vers la partie inférieure de votre corps. L’aiguille de la balance se déplace donc vers la droite. Tout cela est normal et prévisible.

Votre émotivité convient parfaitement pour l’expérience. Allez, rhabillez-vous, vous aurez votre pièce, rassurez-vous.

Le patient remet sa blouse et son pantalon. Il ne comprend pas très bien toutes les explications du professeur :

– Grâce à vous, cher patient, la Science progresse à grands pas. On peut mesurer les émotions et commencer à deviner ce qui se passe dans le cerveau. Le « grand sympathique » agit sur tel ou tel organe suivant ce que vous ressentez. Votre imagination commande à votre corps et ma balance peut quantifier tout cela. Je vais pouvoir compléter mon article de psycho-physique. Un jour, avec toutes ces connaissances accumulées, nous pourrons soigner les névroses modernes qui restent pour l’instant très mystérieuses.

L’assistante passe un coup de chiffon sur la planche vide de l’appareil. Elle attrape un livre tombé au pied de la « balance à peser les émotions ». L’ouvrage est écrit en allemand et signé de Sigmund Freud.

– Où dois-je ranger ce livre, professeur ?

– Freud ? Vous pouvez le déchirer et le jeter à la poubelle. Ses recherches où il ne prouve rien sont dépassées. La psycho-physique remplacera ses calembredaines. Pour moi, Freud est mort. Ma balance géniale l’a remplacé.

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Le professeur de physiologie à l’université de Turin Angelo Mosso

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