W. Bryan, candidat démocrate aux élections de 1908, déjà battu deux fois en 1896 et 1900, n’a pas beaucoup de chances de l’emporter sur les Républicains
Les Démocrates sont mal partis. Le Président sortant Theodore Roosevelt demeure très populaire et même s’il a choisi de ne pas se représenter, il soutient un « poulain », William Taft, qui a de bonnes chances d’être élu.
Depuis douze ans, le parti démocrate demeure dans l’opposition. Il n’a pas su trouver de parade efficace à l’action énergique de l’actuel chef d’Etat.
En effet, quel électeur d’outre-atlantique peut trouver à redire à l’action de T. Roosevelt ?
Les Etats-Unis n’ont jamais été aussi forts et reconnus dans le monde. Personne n’ose se frotter à leur puissante flotte de guerre ; aucun Etat ne se permet plus d’intervenir sans leur autorisation sur le continent américain. Le Président a coutume de dire : « Parler doucement et manier un gros bâton (a big stick), voilà le secret de ceux qui vont loin ! ». Le « big stick » fait peur et en impose même aux arrogantes puissances européennes.
On recherche -fait nouveau- l’arbitrage des USA dans les conflits internationaux. Le récent conflit russo-japonais a trouvé sa solution grâce à la médiation américaine. L’Angleterre et la France ont été à peine consultées sur le règlement de ce différent. Theodore Roosevelt a reçu à cette occasion, en 1906, le prix Nobel de la Paix.
En politique intérieure, les Républicains ont aussi su être efficaces. Limitant la puissance des grosses firmes (compagnies ferroviaires, trusts de l’alimentation…), ils sont soucieux du sort des ouvriers et des droits des consommateurs :
– quand un conflit grave éclate entre les mineurs et leurs patrons, l’Etat fédéral obtient pour les premiers une augmentation des salaires substantielle et une baisse de leur temps de travail ;
– les firmes alimentaires doivent, depuis la « Food and Drug Act », publier ce qu’elles mettent dans leurs produits (nutrition facts) et ne peuvent plus utiliser d’additifs dangereux pour la santé.
L’Amérique souhaite rester le pays des grands espaces et continuer à abriter une nature splendide. A cet effet, le Président Roosevelt a soutenu la création et l’extension des grands parcs nationaux. il a oeuvré à réglementer la distribution des eaux.
Bref, que peut reprocher le probable candidat démocrate William Jennings Bryan aux Républicains en place ?
Pas grand chose.
Le parti démocrate reste une coalition hétéroclite de toutes les minorités et mécontents du pays. Les agriculteurs du Sud, certains commerçants sans le sou, les catholiques, les nouveaux immigrants, les habitants de certaines grandes villes craignant la montée en puissance de l’Etat fédéral… tout ce petit monde ne fait pas un parti soudé et cohérent, tout cela ne conduit pas à une plate-forme crédible pour gouverner.
Theodore Roosevelt savoure sa toute puissance. Grand seigneur, il laisse les rênes du pouvoir et prépare tranquillement un grand safari en Afrique.
Il astique son fusil et laisse à William Taft, le candidat républicain, le soin de tirer les cartouches mortelles qui risquent de maintenir les démocrates dans l’opposition pour quatre ans encore.