16 et 17 août 1908 : L’ Alsace et la Lorraine heureuses sans nous ?

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Un poste frontière entre l’Allemagne et la France

Une vision un peu simpliste des choses voudrait que l’on s’attriste de la situation de l’Alsace et de la Lorraine.

Tristesse française, certes. La perte de ces magnifiques régions à la suite du sinistre traité de Francfort du 10 mai 1871, alimente un puissant esprit de revanche au sein de notre pays.

Les diplomates allemands que je côtoie, ne cessent de répéter que Bismarck était personnellement contre cette annexion qui allait humilier la France. Soucieux d’équilibre européen, le Chancelier ne voulait pas que la France ait la volonté de se battre un jour à nouveau contre son empire. Pour cela, il fallait, selon lui, s’en tenir à une indemnité de guerre (qui serait assez vite oubliée) et ne pas créer un différent territorial susceptible de s’envenimer à moyen terme. Malheureusement, le sage Chancelier n’a pas été suivi. Le parti belliqueux prussien l’a emporté. Et notre Alsace Lorraine bien aimée a été annexée au Reich.

Je me pose souvent la question de savoir si les Alsaciens souhaitent un rattachement futur à la France.

A la fin de la guerre de 1870 et 1871, 100 000 d’entre eux ont choisi de rejoindre Belfort, Nancy et les environs. Et les autres ? Plus d’un million et demi sont restés dans leur région. Doit-on leur en vouloir ?

Ils participent à un régime qui a sans doute des défauts mais qui devient un Etat de droit. Ils élisent des représentants (une quinzaine) au Reichstag. Ils bénéficient d’un code civil rénové.

Les lois sociales allemandes qui aboutissent plus vite que chez nous (caisses maladie, caisses de retraites …) vont aussi s’appliquer en Alsace Lorraine.

L’empereur Guillaume II se soucie du patrimoine architectural de notre province regrettée. Il fait actuellement rénover, à grands frais, le château du Haut-Koenigsbourg.

Vue du château Le château du Haut-Koenigsbourg

Ceux qui se rendent régulièrement en Alsace notent que les sentiments anti-allemands diminuent. On est loin des années 1880 où les députés alsaciens se qualifiaient de « protestataires » et déposaient une motion au Reichstag pour s’élever vigoureusement contre l’annexion de leur région.

On me dit qu’en Alsace Lorraine, le français reste la langue  » distinguée « , celle des industriels et commerçants aisés, celle aussi des lettrés qui n’ont pas rejoint Nancy. Pour combien de temps ?

Pendant combien de temps cette petite province pourra résister à l’intégration dans le vaste Empire allemand, riche économiquement, puissant militairement et épris de culture et de sciences ?

16 août 1908 : Cette musique qui nous vient du froid

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Fjord norvégien

Très beaux chants au théâtre du Châtelet avec les « Concerts Colonne ». Des chants qui nous viennent du froid, du grand Nord, de Norvège.

J’avais déjà eu l’occasion d’écouter Edvard Grieg lors de son passage à Paris en 1903. Pour la première fois, depuis l’Affaire Dreyfus, le compositeur scandinave avait accepté cette année-là de se produire sur une scène française.

N’avait-il pas écrit en 1899 à M. Colonne pour l’informer « qu’après l’issue du procès Dreyfus il ne pouvait se décider à venir en France maintenant… Comme tous les étrangers, ajoutait-il, je suis indigné de voir le mépris avec lequel on traite la justice dans votre pays, de sorte que je me trouve dans l’impossibilité d’entrer en relations avec un public français… »

Le concert de 1903 avait commencé par quelques huées du public parisien, exigeant des excuses pour les propos de Grieg. Puis, la chaleur des rythmes lents norvégiens, la profondeur et la pureté des chants, la douce langueur qui se dégage de cette musique à forte identité, avait conquis l’auditoire qui avait fini par applaudir à tout rompre.

La représentation à laquelle je viens d’assister était plus courte mais aussi plus nostalgique. Elle rendait hommage au maître norvégien décédé en septembre 1907.

Ce n’était pas une oeuvre majeure qui était jouée, comme l’est « Peer Gynt » (d’après Ibsen) , mais de la musique chorale.

Chansons d’amour et psaumes côtoyaient des petites cantates qui ravissaient les quelques centaines d’inconditionnels de Grieg, présents dans une salle qui n’avait fait aucune publicité compte tenu du nombre restreint de places. Le Choeur était français mais comprenait quelques norvégiens.

On ne pouvait s’empêcher de penser, en entendant ces notes fluides, aux paysages époustouflants des fjords, des montagnes abruptes plongeant dans la mer, aux innombrables rivières d’eaux glaciales et pures s’écoulant entre d’immenses forêts désertes de toute présence humaine.

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Chute d’eau dans le Geirangerfjord

Ceux qui ont eu la chance de connaître personnellement Grieg, racontent que le compositeur, devenu une gloire nationale dans son pays indépendant depuis seulement deux ans, était en fait un solitaire.

Lassé des nombreux voyages où toute l’Europe l’acclamait, il se réfugiait de longues heures dans un chalet d’une seule pièce au fond d’un parc, près de Bergen, à Troldhaugen. Dans ce lieu tranquille, aménagé de façon simple mais chaleureuse, il réalisait à chaque nouvelle partition, la synthèse entre la musique romantique allemande, le folklore scandinave qu’il remet à l’honneur et une recherche plus personnelle de mélodies d’un premier abord un peu dissonantes mais finalement assez flatteuses.

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La maison de Grieg à Troldhaugen à côté de Bergen ; pour composer, le maître s’isole une centaine de mètres plus loin dans un chalet en bois.

Il y a des peuples qui ont conquis leur indépendance dans le sang. Les Norvégiens ont la chance – et le goût – de commencer leur histoire en musique. Ils s’écartent d’un Danemarck qu’ils appréciaient mais aussi d’une Suède à laquelle ils avaient été cédés en 1814.

Ils recherchent maintenant une identité culturelle. Grieg est arrivé à point nommé pour leur donner une âme , une richesse et pour tout dire : une légitime fierté.

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Entre « Mo i Rana » et « Trondheim-Laksforsen »

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