Pour le compte de mon ministre, je visite assez souvent ce que Paris compte de savants ou de lettrés partageant peu ou prou nos idées.
Même s’il est inconnu du grand public, je ne peux ignorer Charles Péguy, aux talents incontestables de poète mystique.Son « Jeanne d’Arc » ne s’est pas beaucoup vendu mais on ne peut rester indifférent à l’évocation qu’il fait de cette héroïne de notre histoire nationale, quittant son village natal pour accomplir son destin :
« Voici que je m’en vais en des pays nouveaux:
Je ferai la bataille et passerai les fleuves;
Je m’en vais m’essayer à de nouveaux travaux,
Je m’en vais commencer là-bas les tâches neuves.
Et pendant ce temps là, Meuse ignorante et douce,
Tu couleras toujours, passante accoutumée,
Dans la vallée heureuse où l’herbe vive pousse,
O Meuse inépuisable et que j’avais aimée. »
Depuis 1905 et l’incident de Tanger, Charles Péguy est persuadé, comme G. Clémenceau, que la France est menacée par une Allemagne implacable, puissante et conquérante.
« L’imminence d’une invasion est réelle » s’est exclamé le poète en me prenant par le bras dans son bureau de la rue de la Sorbonne, où il édite les « Cahiers de la Quinzaine ».
Pour lui, il faut armer le pays (matériellement et plus encore, mentalement), refuser le discours de paix de personnes qui « trahissent, en fait, l’idéal socialiste » comme J. Jaurès.
Si je n’ai malheureusement pas de doute sur les dangers que représente notre voisin allemand, je reste persuadé que la guerre serait un désastre. Aucun des pays ne pouvant écraser l’autre, le conflit conduira sans aucun doute à de pertes effroyables.
Je suis très seul à penser cela et nombreux sont ceux qui croient profondément qu’une armée française, disciplinée, nombreuse et bien équipée, peut écraser l’adversaire rapidement.
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