Le puit de pétrole Lucas Gusher à Spindletop au Texas en 1901
L’école de mon enfance et mes études m’ont appris l’importance du « roi charbon ». Au centre des besoins en énergie de mon pays, il y avait et il y a toujours ce minerai noir heureusement présent dans le sous-sol français.
Un autre minerai noir monte en puissance. Une ressource dont nous semblons largement dépourvus : le pétrole.
Dans un premier temps, il s’agissait d’approvisionner les pays occidentaux en kérosène, liquide nécessaire pour les nouvelles lampes. L’arrivée de l’automobile et la percée du moteur Diesel, notamment sur les bateaux, donne une importance décuplée à ce nouvel or noir.
L’Europe a été placée pendant les dernières décennies du XIXème siècle dans la main des seuls producteurs américains. C’est en effet sur le territoire des Etats Unis que les premiers gisements, abondants, ont été exploités de façon massive.
Ce pluriel de « producteurs » est devenu rapidement…plus singulier. John Davison Rockefeller et sa célèbre Standard Oil ont réussi à éliminer tous leurs concurrents en utilisant toutes les méthodes du capitalisme sauvage et notamment le dumping massif.
Aujourd’hui encore, quand nous roulons dans une automobile, nous avons toutes les chances de « rouler américain ». La Standard Oil poursuit l’approvisionnement d’une bonne partie du territoire français et lorsque nous achetons notre litre d’essence, nous augmentons encore la fortune de M. Rockefeller que l’on estime à plus d’un milliard de dollars.
La dépendance de l’Europe vis à vis de l’Amérique s’atténue pourtant progressivement grâce aux nouveaux gisements découverts au Proche et Moyen Orient. De nouvelles et puissantes compagnies – comme la Royale Dutch Shell – concurrencent la Standard Oil et lui mènent une guerre sans merci.
Français, Britanniques et Allemand se bousculent pour exploiter les richesses minérales de la Mésopotamie ottomane.
La fin du règne de Rockefeller ?
Celui-ci ne s’avoue nullement vaincu et sa volonté de puissance reste intacte. Il cherche aujourd’hui à rencontrer un représentant du gouvernement français et souhaite lui faire des propositions. « Si la France veut un pétrole abondant et peu cher, qu’elle prenne contact avec moi ! »
G. Clemenceau m’envoie donc aujourd’hui dans un très grand hôtel parisien – dont le nom doit rester secret – pour rencontrer M. Rockefeller, de passage dans la capitale.
Il est 7 heures du matin. Le rendez-vous est dans une heure. Je file …
Je vous raconte tout ce soir.
C’était vraiment la belle époque… Aujourd’hui nous entrons dans la fin du pétrole bon marché, et nous n’avons AUCUN plan B :
http://www.biodivers.fr/fin-petrole-pas-de-plan-b
J’aimeJ’aime
Cher ami,
le premier lord de l’amirauté, Winston CHURCHILL, a récemment déclaré qu’il souhaitait que le Royaume-Uni s’approvisionne en pétrole pour sa marine de guerre au détriment du charbon. Il estime qu’il n’y a pas d’autre choix que de baser la suprématie navale britannique sur ce produit.
Dans toutes les conversations récemment entendues lors d’un de mes séjours à Londres et d’un déjeuner fort intéressant au Reform Club (excellent quartier pour la grande variété de ses tailleurs), je constate que trois sujets dominaient les conversations de nos amis sur le pétrole au Levant.
Je dois bien constater que le Département ne mesure pas à sa juste mesure l’ampleur du problème : l’industrie pétrolière en Amérique du Nord et en Angleterre est la plus grande industrie des plus grandes industries. Le pétrole devient un élément majeur du fonctionnement des sociétés anglaises où l’homme devient « hydrocarboné ».
Je constate que l’avance prise par les Américains va difficilement se rattraper et faire de ce pays, pour très longtemps, une grande puissance du monde du pétrole.
Savez-vous que durant ces quarante dernières années et suite aux découvertes faites en Pennsylvanie depuis août 1859 par Edwin DRAKE et George BISSELL, il n’y a plus maintenant que deux acteurs essentiels pour réguler ce monde du pétrole, la Standard Oil et la Royal Dutch Shell.
Bien sûr, certains parlent aux Etats-Unis d’un démantèlement de la Standard Oil. Une loi anti-trust a été récemment votée et Rockfeller s’inquiète pour ses intérêts financiers.
Rockfeller avait créé sa société en janvier 1870, la Standard Oil (standard pour un pétrole raffiné ayant partout la même qualité), pour en faire un succès mondial.
Pour la Royal Dutch Shell, l’histoire est un peu différente. Les premières recherches ont débuté dans les Indes néerlandaises en 1880 et les premiers forages ont eu lieu en 1885 à Sumatra. Deux personnages semblent jouer un rôle clef dans cette affaire: l’intrigant Marcus SAMUEL et un personnage interlope, Henri DETERDING. Ce dernier a pris langue avec le Royaume-Uni (j’ai eu l’occasion de le rencontrer lors de ce fameux déjeuner au Reform Club).
Je comprends donc parfaitement votre intérêt pour certaines nouvelles régions productrices, en particulier la Russie, la Perse et la Mésopotamie où j’envisage d’aller faire un tour. Des amis m’ont recommandé un hôtel dans une ville appelée Bagdad. A voir donc.
Même si ce pays est notre allié depuis 1894, l’instabilité politique qui règne en Russie depuis les événements de 1905 n’en fera jamais, à mon humble avis, un partenaire incontournable de ce monde pétrolier. Je sais que depuis 1891, les Russes ont commencé à investir les marchés internationaux depuis qu’a commencé l’exploitation des gisements de la mer Caspienne.
Un problème se pose depuis 1900, la question de l’évacuation de la production de la Caspienne vers l’Europe. Les Britanniques, afin d’assurer une plus grande diversité de leurs approvisionnements, se tournent, pour cette raison, vers de nouvelles aires géographiques, en particulier la Perse.
Les premières découvertes de pétrole ont été faites en 1906 dans la région de Masjid I Suleiman (sud-ouest de la Perse). La banque d’Ecosse cherche à s’engager et des rumeurs circulent sur la création d’une Anglo-Persian Oil Company. L’Amiral anglais John Arbuthnot FISHER (personage très influent), cherche à pousser l’Angleterre plus avant. Leur but serait aussi de contrer les Allemands engagés dans la construction d’une ligne de train vers Bagdad (d’où mon intérêt pour cette ville).
Bien cordialement.
Henri-Isidore Dubuisson
J’aimeJ’aime