Ecole en 1908, le meilleur moment de la récréation ?
» Des instituteurs dans la rue ? Des maîtres d’école en grève ? Vous n’y pensez pas ! Vous êtes prié de me détecter les fauteurs de troubles et vous les révoquez ! » G.Clemenceau est ferme avec son ministre de l’Instruction publique, Gaston Doumergue.
» Gastounet » comme l’appelent affectueusement bon nombre de Français, ne répond tout d’abord pas. Puis, avec sa voix pleine de soleil du midi, il expose avec bonhommie son plan au Président du conseil.
G. Doumergue
Oui, il sera ferme avec ceux qui tentent de transformer les Amicales d’instituteurs en syndicats. Oui, il refusera -ou tentera de refuser – tout rattachement d’associations d’instituteurs aux Bourses de travail.
Il veillera aussi à contenir le budget de son ministère qui dépasse déjà les cent trente millions de francs. » Gastounet » qui se fait progressivement une réputation de ministre économe, considère qu’il n’est pas nécessaire de dépenser « plus » pour que les petits français sachent mieux lire et écrire.
Ecole, 1900
Pour autant, les instituteurs ont bien des raisons de se plaindre. Leur rémunération -certes revalorisée par la République – n’est guère plus élevée que celle d’un ouvrier et les range donc dans la catégorie des « prolétaires ».
Les enseignants continuent en outre à regretter d’être soumis à l’arbitraire administratif. Leurs affectations ou promotions ne s’effectuent pas dans la transparence. Ils restent aussi à la merci d’interventions de notables locaux auxquels ils peuvent déplaire, ce qui entraîne souvent une affectation d’éloignement.
G. Clemenceau et Gaston Doumergue devraient se rassurer avec le rapport que je viens de leur fournir. Les indicateurs de la police nous font remonter que les syndicats ouvriers ne voient pas d’un très bon oeil l’arrivée éventuelle, dans leurs rangs, d’enseignants. Ces derniers sont considérés comme des privilégiés avec leurs vacances, leur retraite et leur garantie contre le chômage.
En outre, pour les ouvriers comme pour les instituteurs, la grève d’enseignants reste impensable. La grève générale ne peut partir de l’école publique, lieu qui doit préserver les enfants des dures réalités des luttes sociales, lieu de transmission des valeurs de la République. Certains enseignants qui restent attirés, malgré tout, par la grève, indiquent que dans ce cas, ils continueraient à accueillir les enfants, « afin de ne pas les abandonner aux dangers des mouvements de rue ».
En lisant cette phrase de ma note administrative, M. Doumergue s’exclame : » Encore heureux que les instituteurs, même en grève, accueillent dans la classe nos chères têtes blondes. Dans le cas contraire, que ferait-on ? Ce ne sont tout de même pas les mairies qui doivent prendre le relais ! »
Cahier pour leçons de morale, 1908