2 mai 1908 : Et si les Jésuites revenaient ?

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L’école libre du Sacré-Coeur d’Antoing en Belgique

Et si les Jésuites revenaient ?

L’année 1908 pourrait être celle de l’apaisement entre laïcs et religieux, entre Eglise et Etat. Après le désastreux épisode des inventaires d’il y a trois ans, après ces affrontements entre catholiques et forces de l’ordre, nombreux sont ceux qui souhaitent un geste de réconciliation favorisant l’unité de la Nation.

Il n’est pas question de modifier les récents textes, laborieusement votés, sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. En revanche, certains députés s’interrogent sur les mesures prises dans les années 1880 qui ont abouti au départ des congrégations comme la Compagnie de Jésus. Ils insistent sur le fait que les établissements d’enseignement se sont reconstitués à l’étranger et accueillent de nombreux élèves … français.

Clemenceau, ardent laïc, n’est guère favorable à cette évolution mais en bon politique pragmatique, il ne peut rester sourd aux souhaits de certains parlementaires. Je suis donc chargé d’une mission discrète auprès des Jésuites de Belgique pour étudier, avec eux, jusqu’à quel point, on pourrait envisager, à moyen terme, leur retour sur le territoire national.

Une rencontre a lieu ce jour en Wallonie à l’école libre du Sacré-Coeur d’Antoing.

Le recteur de l’établissement me dresse un portrait flatteur de l’enseignement de la Compagnie de Jésus : haut niveau scientifique du corps enseignant, recherche permanente de l’excellence pour les élèves, utilisation de méthodes de travail efficaces, acquisition d’une bonne culture générale, recherche de la rigueur dans les raisonnements …

Je demande alors à rencontrer un ou des élèves français de cette école libre.

Un jeune homme de 18 ans, de haute taille, très mince et à la démarche un peu raide, nous rejoint alors.

Sûr de lui, le regard fier, un peu hautain, manifestement très intelligent, l’étudiant français évoque avec moi ses occupations actuelles (il vient de publier une étude sur « La Congrégation de la Très Sainte Vierge ») et son avenir.  Il hésite entre préparer Centrale  -il se perfectionne donc en mathématiques – ou intégrer Saint-Cyr.

Nous parlons de la France, des grandeurs et faiblesses de notre pays. Mon interlocuteur a le sens de la formule et semble, malgré son jeune âge, avoir déjà de fortes convictions.

 » Rien ne me frappe davantage que les symboles de nos gloires. Rien ne m’attriste plus profondément que nos faiblesses et nos erreurs : abandon de Fachoda, affaire Dreyfus, conflits sociaux, discordes religieuses.  »

Je lui demande alors ce qu’il pense des Jésuites.

 » On reproche aux élèves des Jésuites de manquer de personnalité, nous saurons prouver qu’il n’en est rien. L’avenir sera grand car il sera pétri de nos oeuvres « .

Avant de le quitter, en lui serrant la main, je lui demande de me rappeler son nom. Il me répond, impérial :

 » Monsieur le Conseiller, retenez ceci : je m’appelle Charles de Gaulle « .

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