Le Garde des Sceaux Briand s’entretient chaque semaine en secret avec Clemenceau sur l’affaire Rochette
L’affaire est préoccupante. Les puissants risquent d’être éclaboussés. Les petits porteurs ruinés. Un parfum de scandale flotte dans les bureaux des ministères et dans les couloirs de la Chambre.
Henri Rochette vient d’être arrêté sur ordre de G. Clemenceau. Créateur du Crédit minier, il émettait des bons d’épargne à la valeur fictive, générant des intérêts importants pour les petits épargnants. Pour payer les sommes dues, il lançait de nouvelles émissions. Pour tromper les autorités de tutelle bancaire, il s’était fait une spécialité dans la présentation de faux bilans.
Le plus inquiétant dans cette affaire, c’est l’ampleur qu’elle a pu prendre. Cent-vingt millions de francs volatilisés. Personne ne s’est rendu compte de rien – ou personne n’a rien dit – pendant de longs mois.
Les rumeurs courent, dévastatrices. Henri Rochette n’a pu agir seul. Il bénéficie forcément de soutiens politiques. On cite pêle-mêle Albert Dalimier, député de Seine-et-Oise ; Fernand Rabier, député du Loiret ; Jean Cruppi, député de Haute-Garonne … et ministre du Commerce et de l’Industrie depuis janvier.
Jaures ne décolère pas en public contre « ce régime malsain qui laisse les aigrefins prospérer « . Clemenceau a décidé d’être impitoyable, un nouveau scandale comme celui de Panama serait désastreux pour le parti radical et le gouvernement. Il faut donner une impression de rigueur, de fermeté. » Tout est sous contrôle » est le mot d’ordre.
Le Préfet Lépine, avec lequel je suis en contact régulier, nous fournit les rapports de la police judiciaire, chaque jour ou presque, détaillant l’avancée de l’enquête. Briand, Garde des Sceaux, s’entretient une fois par semaine avec Clemenceau, en tête-à-tête secret.
Mis à part le ministre du Commerce que je viens de citer, il n’y aurait a priori pas d’autres personnalités de premier plan touchées.
En revanche, on ne compte plus les fonctionnaires victimes de cette escroquerie. Des gendarmes, des magistrats, des policiers, des professeurs, des chefs de bureau en centrale … ils ont tous crus à la la « poule aux oeufs d’or ». Pour eux, le réveil est dur.
Et c’est là que mon rôle dans cette affaire se précise. Je suis chargé, avec les listes de noms communiquées par les policiers du préfet Lépine, de vérifier qu’il n’y aura pas de « pressions » issues directement des rangs de l’Administration, de la part de fonctionnaires directement intéressés par le sort du Crédit minier. « Mission de confiance » me précise le directeur de cabinet Winter. « Mission pourrie » me dis-je plutôt dans mon for intérieur. Je n’ai pas le choix. Il va falloir surveiller certains de mes collègues, sans qu’ils le sachent.
Triste affaire Rochette.
Que l’on nomme une commission d’enquête et que l’on y nomme Barres !! Il faudra, enfin savoir quel rôle la presse, et notamment la publicité incluse dans celle-ci, a joué dans ce nouveau scandale ? Que fait donc Caillaux aux Finances ? il dort ?
de Vieille Baderne
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Super ce blog, une vraie mine d’informations que je n’ai pas fin ide parcourir je crois.
Je suis en effet sur la piste d’une (ou plusieurs) crise(s) financière(s) au début du XXeme siècle.
Car pour le coup je trouve que les parallèles entre notre époque moderne et celle d’alors sont pour le moins troublants.
L’article qui fait mention à l’affaire Rochette :
http://deja-vu.blogue.fr/la-finance-voila-lennemi-12-novembre-1910/
J’ai fais ce blog pour mettre ne ligne différents articles tirés de la revue « Le Succès » des années 1910-1911
Au plaisir !
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