5 et 6 février 1911 : La Guerre du Feu sous la couette

Le feu conservé avec précaution dans la cage, les combats terribles entre tribus, les tigres cruels aux canines découpées comme de longues lames, le peuple des mangeurs d’hommes… Je m’endors ce soir après avoir lu une centaine de pages de la Guerre du Feu. Ambiance des âges farouches, exotisme historique, Rosny aîné (pseudonyme de Joseph Henri Honoré Boex) nous emmène dans des clairières où aboutissent des ruisseaux nés de sources merveilleuses, il nous laisse nous désaltérer d’une littérature neuve aux phrases limpides pendant que mille dangers nous guettent au-dehors.

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L’écrivain J.H. Rosny aîné publie un livre qui plonge les lecteurs des années 10 dans un univers très inhabituel. Et le public de 1911, avide d’horizons nouveaux, adore cela.

Le passé de l’humanité devient le berceau d’une réflexion fantastique sur ce qui fait l’essentiel de l’homme : l’amitié, l’amour, la peur, le courage et enfin la mort. L’homme débarrassé de ses attributs d’être civilisé redevient un sauvage aussi proche des bêtes que de notre moi intime. Rosny creuse aussi bien cette préhistoire qui commence à être mieux connue grâce aux travaux des archéologues comme Thomsen, Lubbock ou de Mortillet, que notre personnalité profonde trop longtemps corsetée par les conventions sociales.

L’homme de Rosny est nu mais libre. Liberté dont il paie le prix fort lorsqu’il doit sauver sa peau en permanence face aux multiples dangers d’une nature hostile et à des rivaux affamés comme lui. Liberté limitée par l’instinct de survie qui dicte les gestes du quotidien, liberté réduite par une peur permanente d’être écrasé par plus fort que soi.

Avec les héros Naoh, Gaw et Nam, nous grelottons de froid, nous repoussons les attaques de toutes sortes de bêtes féroces, de bandes rivales. Mais nous ne sommes pas glacés par les craintes intérieures d’hommes modernes toujours rongés par la culpabilité, les remords et les regrets, sentiments inconnus en ces temps lointains. La préhistoire, en raccourcissant la vision du temps humain à la journée en cours et aux quelques jours à venir, réduit d’autant la part obscure de nos personnalités profondes qui peuple nos cauchemars d’être civilisés.

Chaque heure passée au sein de cette Guerre du Feu nous procure juste ce qu’il faut de frissons pour apprécier ensuite de s’endormir dans la douce chaleur d’une cheminée de l’année 1911 et la tiédeur d’une couette récemment bassinée sentant bon la lavande.

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3 commentaires sur “5 et 6 février 1911 : La Guerre du Feu sous la couette

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  1. Merci pour cette belle évocation du plaisir de lire La guerre du feu, et cette esquisse des significations complexes et des intérêts divers d’un roman trop longtemps réputé simple.
    L’image (réalisée par Manuel Orazi) n’est pas de 1911, mais de juillet 1909 : première illustration du premier épisode du feuilleton paru dans la revue Je sais tout.

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  2. Joli.
    Mais à mon avis on ne disait sans doute pas « couette » en 1911, mais plutôt édredon ou encore plumon.
    Le mot existait au XVIIème mais s’était éteint dans ce sens et n’est réapparu que bien plus tard.
    Ici ce qu’en disait un dictionnaire de 1832:
    http://books.google.fr/books?id=X30GAAAAQAAJ&pg=PA221&dq=couette&hl=fr&ei=0w1PTab2O9Hr4Aa5yuSoCQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=6&ved=0CFoQ6AEwBTgK#v=onepage&q=couette&f=false

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  3. Bonsoir Seingalt,

    Grâce à une excellente application récemment mise en service sur Google Labs, je me suis amusé à tester la « popularité » des trois termes couette, édredon et plumon sur la période 1800-2000

    LIEN
    http://ngrams.googlelabs.com/graph?content=couette%2C%C3%A9dredon%2Cplumon&year_start=1800&year_end=2000&corpus=7&smoothing=3

    ou alors tapez simplement http://ngrams.googlelabs.com/ et effectuez vos propres recherches.

    L’application permet à partir des ouvrages numérisés par Google Books de mesurer statistiquement l’occurrence de tel ou tel mot dans tout le corpus des ouvrages écrits en langue française (ou anglaise ou allemande etc….) entre 1800 et 2000.

    En l’occurrence même si on voit bien que l’édredon a fait très longtemps la course en tête, le résultat est quelque peu faussé du fait que couette semble surtout renvoyer vers 1880-1920 à un certain docteur….Couette!

    Bye

    Olivier Stable

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