22 septembre 1910 : Je console Lyautey

 » Un commandement à Rennes ? L’ennui assuré !  »
Le général Hubert Lyautey croise les jambes nerveusement, la moustache plus fournie que jamais, le regard perçant et peu amène. Il n’apprécie manifestement pas ce que le gouvernement envisage le concernant. J’ai beau insister sur le fait qu’une quatrième étoile viendrait couronner cette étape de sa carrière, rien n’y fait.

 » Cette quatrième étoile me fait aussi plaisir que de tomber du cinquième étage !  »

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Le général Hubert Lyautey

Droit dans son fauteuil, il me fait part de son désappointement de ne pas pouvoir poursuivre son oeuvre au Maroc. Il déroule une carte sous mes yeux et indique à quels endroits devraient être idéalement nos troupes et compare ces positions avec la situation réelle. Ras El Aïn qu’il faut continuer à occuper, la région d’Oujda à maîtriser, la Moulouya à contrôler. Il se désespère qu’une politique de force ne soit pas menée jusqu’aux confins du Royaume, seule façon pour lui de garantir la paix définitivement dans la région. Les bureaux parisiens et la méfiance des parlementaires l’obligent à une inaction qu’il déteste et qui, au final, l’angoisse. 

« Que d’énergies gâchées, de temps perdu, d’espoirs déçus pour tous les amis
de notre patrie… »

Un geste ample et lent des bras, plein de lassitude, puis il reprend sa posture rigide et empreinte de fierté. Je sais que le prestigieux officier peut sombrer dans une noire et dangereuse mélancolie si je ne parviens à lui donner un peu d’espoir. Je lui parle avec une voix ferme et une autorité susceptible d’être comprise et acceptée d’un militaire :

« Clemenceau n’aimait guère votre tendance à vous affranchir de certains ordres. Briand, au contraire, voit beaucoup plus en vous l’homme du recours, le soldat à utiliser en cas de crise. Votre tempérament impétueux ne lui fait pas peur et il souhaite vous garder en réserve. Profitez des mois de calme qui s’annoncent pour vous ressourcer, pour faire monter la sève qui irriguera vos futurs exploits. Réfléchissez à la stratégie, écrivez, publiez, échangez avec le Tout Paris… Essayez de soigner votre image. Depuis la disparition de notre ami commun Eugène Melchior de Vogüé, vos défenseurs dans la capitale sont moins nombreux. Reconstituez votre réseau. Je suis là pour vous aider… »

Lyautey s’adoucit. Il se lève, me tend la main et tape mon épaule avec gratitude. Je n’oublierai jamais son mot d’au revoir :

« Monsieur, vous avez un coeur haut placé.  » 

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Pour en savoir plus sur l’oeuvre de Lyautey au Maroc, rejoignez le groupe de amis du site « Il y a un siècle » ! 

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