24 septembre 1910 : Pour une Ecole Nationale d’Administration

Ma note est revenue avec beaucoup de corrections et de commentaires désobligeants de la part du directeur de cabinet. Il fallait que j’expose en une ou deux pages l’intérêt de créer ou non une grande école d’administration destinée à former les fonctionnaires d’autorité de la nation.

J’avais déjà rédigé un tel document pour Georges Clemenceau. J’ai donc repris mes arguments de l’époque. Un concours unique d’accès aux grands corps et aux postes de chefs de bureau, notamment, faciliterait la démocratisation du haut encadrement des ministères. Pour l’instant, les jeunes inspecteurs des finances, auditeurs au Conseil d’État ou conseillers à la Cour des comptes, ont trop tendance à être issus des grandes familles parisiennes, sans laisser de chances aux jeunes gens méritants des milieux populaires de province. Sans concours unifié, on se recrute « entre soi » et les corps restent des castes fermées avec leurs codes et leurs rites, bien éloignés des nécessités d’une administration moderne.

Dans mon analyse, j’insiste aussi sur la mise en place d’une scolarité longue et riche : apprentissage du métier dans les préfectures ou dans les colonies lors de stages répétés et variés, enseignement des techniques modernes utilisées dans les grandes compagnies industrielles : statistiques, suivi financier détaillé, rationalisation de la production… J’insiste sur la nécessité de former de bons généralistes, à l’esprit républicain indiscutable et avec une forte volonté de réformer le fonctionnement des ministères pour qu’ils servent mieux nos concitoyens. Je cite l’exemple de l’éphémère école d’administration fondée par Lazare Carnot en 1848.

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Lazare Hippolyte Carnot a créé une éphémère Ecole d’administration quand il était ministre de l’Instruction publique en 1848

Mon travail est revenu couvert de ratures rageuses. Concours unique ? « Ce serait l’affaiblissement des meilleurs corps et la plongée dans la médiocrité. » Enseignement novateur ? « Foutaise, les lettres grecques et latines de nos lycées guident plus sûrement un fonctionnaire que des chiffres trafiqués ».

Là où mon directeur de cabinet se déchaîne, c’est quand je propose que l’école ait une vocation internationale et que son siège ne soit pas forcément en France et donc à Paris. Il me met en bas de page, en rouge, la remarque suivante : « Votre école internationale d’administration ne serait pas à Paris ? Vous êtes fou ! Pourquoi pas à Strasbourg pendant que vous y êtes !!!! »

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