21 mars 1909 : Faut-il acquitter une voleuse de pain affamée ?

Cela fait trente-six heures que Louise n’a pas mangé. Son enfant de deux ans a très faim et pleure. La jeune femme se sent perdue, oubliée de tous. Elle erre dans les rues de Charly-sur-Marne, demande sans succès aux passants une petite pièce ou un bol de soupe. Les uns et les autres se détournent, pressés de rentrer chez-eux dans cette matinée encore froide.

Louise passe devant le boulanger Pierre. La chaleur et les odeurs de cuisson lui font tourner la tête. Sans vérifier si elle est surveillée, elle s’empare prestement d’un pain et court se cacher dans une ruelle sombre pour le dévorer son précieux butin, son enfant et elle.

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Louise Ménard devenue la voleuse de pain la plus populaire de France

Une heure plus tard, trois gendarmes procèdent à son arrestation : « Madame Louise Ménard, au nom de la loi, nous vous arrêtons pour vol ! »

Personne n’a oublié l’affaire Ménard qui remonte à plus de dix ans. Le grand public s’est pris d’affection pour cette pauvre Louise, fille mère à vingt ans. Les mêmes qui évitaient de la regarder dans les rues de Charly, lisent avec avidité le Petit Journal où ils découvrent qu’il existe un juge d’une bonté extraordinaire.

Le juge Magnaud, « le bon juge ». Celui-ci acquitte Louise Ménard dans un jugement retentissant considérant « qu’il est regrettable que dans une société bien organisée, un des membres de cette « société », surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute; que lorsqu’une pareille situation se présente et qu’elle est, comme pour Louise Ménard, très nettement établie, le juge peut, et doit, interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi; »

Il ajoute ces quelques mots frappés au coin du bon sens : « L’intention frauduleuse est encore bien plus atténuée lorsqu’aux tortures aiguës résultant d’une longue privation de nourriture, vient se joindre comme dans l’espèce, le désir si naturel chez une mère de les éviter au jeune enfant dont elle a la charge ».

Le président Magnaud, légende vivante, a laissé sa robe de juge et a suivi le conseil de Georges Clemenceau. Il est élu député de l’Aisne comme radical socialiste.

Il me rejoint dans mon bureau ce jour et souhaite faire le point sur sa courte carrière politique.

A suivre…

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Le Président Magnaud a quitté le palais de justice de Château-Thierry depuis 1906 pour faire de la politique

6 commentaires sur “21 mars 1909 : Faut-il acquitter une voleuse de pain affamée ?

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  1. C’est tous les jours, maintenant ! Il n’y a plus de correcteurs au Monde ? Ou pire, y aurait-il un correcteur qui aurait remplace le « erre » correct de l’auteur par « ère » ?

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  2. Pas facile de s’autocorriger, les fautes les plus évidentes nous échappent parfois, à notre grande honte (de quoi ai-je… l’air maintenant ?). Merci à André pour sa vigilance et à Jean Pierre pour son compliment.
    A André qui a accepté d’errer il y a un siècle et me pardonnera mes errements orthographiques : non, les blogs ne sont pas corrigés (et pourquoi le seraient-ils?) sauf par vous. C’est le principe de ce mode de communication… d’une nouvelle ère.
    Bon week end à tous !
    L’auteur

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  3. Vous êtes fou, Olivier, il ne faut jamais avouer : expliquez qu’il s’agit d’une erreur de l’ouvrier typographe qui a laissé choir les caractères de plombs destinés à imprimer la page de votre blog et qui, quand il a voulu les rassembler, a commis la bévue.

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  4. Si j’ai bonne mémoire, Louise Ménard avait, de plus, sa mère à charge, d’après les documents sur lesquels je m’appuie, tous les ans, pour faire étudier le beau jugement du Président Magnaud à mes élèves en cours de philosophie. Mais mes renseignements sont de seconde main, contrairement aux vôtres !
    Passez bien le bonjour de ma part au juge Magnaud, avec toute mon admiration (à lui et à votre magnifique blog) !

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  5. Nous sommes attachés à l’esprit de justice du « bon juge » Paul Magnaud, qui le 4 mars 1898, le juge Magnaud acquitte cette jeune fille-mère qui avait dérobé du pain chez un boulanger de Charly-sur-Marne parce qu’elle n’avait rien mangé depuis deux jours, créant ainsi la jurisprudence sur l’état d’absolue nécessité. Dans bien des domaines (accident de travail, droit de la femme et droit du travail cf le site de la cour d’appel d’Amiens sur le juge Magnaud) le bon juge fut un précurseur, un visionnaire. Et c’est devant lui que Jeanne Chauvin, la première femme à exercer la profession d’avocat en France, plaide pour la première fois.
    Aujourd’hui non seulement la chancellerie veut fermer le tribunal instance du juge Magnaud, mais refuse de le transformer en Maison de la Justice et du Droit.
    On assassine la mémoire du bon juge, Nous cherchons partout des lettres de soutien pour la création d’une maison de la justice et du droit « Paul Magnaud » dans son tribunal.
    Bruno Beauvois Maire Adjoint Mairie de Château-Thierry place de l’hotel de ville 02400 Chateau Thierry

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