Bismarck en 1894
Bref regard circulaire sur les murs de ma chambre d’hôtel : quelques reproductions de scènes de chasse sans intérêt, un crucifix… et surtout, une photographie de Bismarck.
Rêveur, je repense à l’oeuvre du grand homme.
Cette Allemagne qu’il a su constituer d’une main de fer : alors que le Reich n’est juridiquement qu’une alliance perpétuelle d’Etats (Bavière, Prusse, Hesse, Saxe…) qui mettent en commun une partie de leurs droits souverains, le monde entier contemple à présent un Empire puissant, unifié monétairement et militairement.
L’union douanière intérieure -la « Zollverein » – favorise l’expansion commerciale depuis cinquante ans. Le droit interne est aussi profondément remanié, modernisé et codifié : un Code civil en phase avec les exigences sociales du XXème siècle a vu le jour au début de la décennie. Les lois bancaires et industrielles favorisent une puissance économique qui fait de l’Allemagne le premier producteur d’acier au monde, loin devant l’Angleterre. Les universités de Munich, Berlin ou Heidelberg (pour ce citer que celles-là) attirent les étudiants du monde entier persuadés d’y trouver un enseignement du meilleur niveau.
Je reviens sur Bismarck : le portrait mural est bien traditionnel. La fameuse moustache, le regard que l’on imagine bleu et dur, le casque à pointe : presque une caricature.
Décédé depuis dix ans déjà, il était devenu, après son départ du pouvoir en 1890, une légende vivante. Les journalistes ne cessaient de venir recueillir précieusement ses confidences dans sa maison de Sachsenwald, près de Hambourg. Ses commentaires habiles et cruels sur ses successeurs faisaient le tour des salons berlinois et influençaient l’opinion publique.
Un livre sur la table de chevet : » Pensées et Souvenirs » … toujours de Bismarck, à côté de la traditionnelle Bible. Je sens que le directeur de l’hôtel veut guider ses clients dans leurs lectures ! Pourquoi pas ? J’ai du temps devant moi. Les premiers entretiens avec les fonctionnaires allemands ne sont prévus que pour demain. Il me reste donc une fin de journée et une longue soirée à passer avec le grand homme.
Serviteur d’une troisième République compliquée, je ne peux a priori qu’être attiré par celui qui disait :
» En politique, il faut suivre le droit chemin. On est sûr de n’y rencontrer personne. »
A suivre…
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