Notre socialisme collectionne les occasions manquées.
Son unité ? Elle est imparfaite. Le congrès de 1905 qui a eu lieu à la salle du Globe à Paris à la demande de l’Internationale ouvrière a bien conduit à la création d’un grand parti Sfio fusion des Guesdistes, Blanquistes ou autres Jauressiens mais plusieurs leaders sont restés en dehors de cette unification : Millerand, Briand ou Viviani.
Cet article est la suite de l’abécédaire sur notre époque commandé par la direction du journal Le Temps.
Sa ligne politique ? Elle ne cesse de se chercher. Le marxisme aurait dû prendre le pas sur toutes les autres aspirations à l’issue du congrès du Globe mais Jaurès veille à maintenir un équilibre avec d’autres idées éloignées de celles professées par le grand philosophe allemand.
On ne peut non plus parler de social-démocratie puisque tout rapprochement avec le monde syndical reste impossible depuis le Charte d’Amiens de 1906 qui érige en principe intangible le caractère non politique du combat syndical.
Son influence ? Le groupe parlementaire socialiste n’atteint pas les cent députés. Les élections depuis 1880 sont souvent décevantes. Coincé à l’extrême gauche par un parti radical qui sait encore capter, par un grand mélange de pragmatisme et de démagogie, l’électorat populaire et/ou rural, il n’a pas une audience grandissante et ne peut donc envisager dans un jour proche de gouverner seul.
Que reste-t-il alors aux socialistes ?
Un vrai meneur et une capacité à rêver.
Jaurès s’affirme de plus en plus comme l’homme fort du parti. La santé déclinante de Jules Guesde lui laisse un espace à conquérir. Son sens de la formule, sa capacité à magnétiser les foules et des idées authentiquement généreuses font le reste.
Le socialisme se présente aussi comme le seul parti capable de faire encore rêver. A longueur de colonnes du journal L’Humanité, on se plaît à imaginer un monde nouveau où la Propriété change de mains, le pouvoir ouvrier devient réalité et où l’Egalité et la Fraternité cessent d’être de simples mots ornant le fronton au-dessus de la porte des écoles.
Le socialisme a sans doute un avenir. Il reste à savoir lequel exactement.
Les idées généreuses de Jean Jaurès donnent un avenir au socialisme. Il reste à savoir lequel exactement. Winston Churchill a, pour sa part, tranché. Il lance avec cruauté et une volonté de provoquer : « Christophe Colomb fut le premier socialiste. Il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait et tout cela, aux frais du contribuable. »