9 décembre 1908 : Crise d’épilepsie au Reichstag

Un esprit de synthèse développé, un souci permanent de pédagogie, des connaissances techniques irremplaçables : le colonel général von der Goltz est très apprécié du ministre de la guerre allemand. Nous sommes au Reichstag, en pleine séance d’examen du budget. Mécanique intellectuelle bien huilée, Goltz fait passer à son ministre des petits mots ou glisse à l’oreille de celui-ci des informations précieuses qui lui évitent d’être mis en difficulté.

600 millions de marks. La somme est considérable; c’est ce qui manque à l’Empire de Guillaume II pour boucler son budget pour l’année 1909.

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La séance d’examen du budget au Reichstag

L’opposition socialiste ne décolère pas : trop de dépenses militaires, pas assez d’investissements en matière sociale. Les orateurs de gauche dénoncent une diplomatie aventureuse qui finit par coûter fort cher dans la mesure où elle isole l’Allemagne de ses voisins européens et l’oblige donc à entretenir une armée équipée d’un matériel très moderne, très onéreux, pour se protéger d’ennemis trop nombreux.

Le colonel général a chaud. Habitué des sessions parlementaires, il a l’impression de toujours entendre les mêmes arguments et de produire en retour les mêmes notes pour défendre les options prises par le gouvernement. Il regrette presque que les parlementaires d’opposition connaissent trop mal la liasse budgétaire et ne le mettent pas plus en difficulté. Il voudrait corser la difficulté de son travail pour pouvoir mieux montrer sa maîtrise totale des dossiers.

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Le baron prussien et generaloberst Colmar Freiherr von der Goltz, spécialiste budgétaire du ministère des armées à Berlin

Goltz se passe la main sur son front devenu humide. Progressivement, il peine à se concentrer sur la tirade du député socialiste Scheidemann. Les compliments que celui-ci adresse à la France, « patrie de l’épargne et de la bonne gestion des fonds publics » et, selon lui, « véritable amie de l’Allemagne », ne le font pas sourire. Il ressent une impression grandissante mais encore diffuse de mal-être. Les propos de l’orateur, les invectives venant des travées, parviennent à son oreille mais forment des sons de moins en moins compréhensibles. Tout résonne et se perd dans une atmosphère bizarrement ouatée.

L’officier met sa main sur son coeur. Celui-ci bat rapidement. Il passe sa main sur ses jambes qui se raidissent de plus en plus. Un fonctionnaire du ministère des finances qui le connaît bien, le dévisage avec amitié :  » Goltz, vous-allez bien ? Vous êtes pâle à faire peur !  »

Soudain, un grand cri. Le pauvre Goltz vient de s’effondrer, tremblant, raide comme le bois, à terre. Deux députés médecins se précipitent et tentent de porter les premiers soins à l’officier dont le regard est perdu dans le vague. C’est le « grand mal » , la crise d’épilepsie.

Les journalistes étrangers qui commençaient à somnoler au bout de cinq heures de séance ininterrompue, reprennent leur plume, ravis de l’incident qui leur donne -enfin  – quelque chose à raconter.

Le chancelier von Bulöw profite du tumulte pour s’éclipser et poursuivre dans un cabinet à part l’analyse de son volumineux courrier.

La séance est interrompue par le président du Reichstag.

Ce n’est pas aujourd’hui que l’Allemagne trouvera les 600 millions de marks or qui lui manquent.

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Le Reichstag en 1908

2 commentaires sur “9 décembre 1908 : Crise d’épilepsie au Reichstag

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  1. Nous étions donc en 1908, 2 ans ans après le gros accrochage franco-allemand au sujet du Maroc. Le chancelier prince von Bulöw avait obtenu le départ de l’aventureux ministre français des AE, Delcassé, détesté de Clémenceau, et avait obtenu aussi l’ouverture de la conférence d’Algésiras, qui devait s’ouvrir sous la médiation du président des Etats-Unis et devait aboutir à une présence allemande au Congo et au Cameroun. L’Allemagne en tirait la conclusion qu’il fallait qu’elle s’arme sérieusement, pendant que la France se berçait dans l’illusion d’une puissance tirée des colonies et refusait l’artillerie lourde.

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