» Non, désolé, je ne vois pas la différence entre les deux laits ».
Telle est ma conclusion après avoir goûté chacun des deux verres servis par le représentant des vacheries parisiennes. Il veut me démontrer qu’entre le breuvage blanc issu des vaches élevées en plein Paris, dans les vacheries qu’il représente et celui sortant des pis des vaches de province, il y a une « sacrée différence de qualité et de saveur ».
Le laitier ne se laisse pas démonter par ma remarque dubitative :
» Il important que la Capitale conserve des vaches. Le lait arrive ainsi plus frais chez les consommateurs. Vous savez que nous offrons un vrai service apprécié de toutes les familles de notre grande ville. Les livreurs parcourent les rues en agitant une crécelle. Les mères de famille mettent à leur porte leurs bouteilles de lait vides et nous les remplaçons par des bouteilles pleines, hermétiquement fermées et cachetées pour éviter les fraudes. Tout cela est compris dans un abonnement modique de 14 francs par mois. »
La concurrence des vaches et du lait normand est fatale aux vacheries parisiennes
J’ai l’air malin avec mes deux grands verres de lait sur mon bureau. Je ne sais comment me débarrasser de ce représentant des vacheries parisiennes qui voulait absolument être reçu « au plus haut niveau de l’Etat ».
Je glisse à mon interlocuteur : » Ecoutez, j’ai bien compris qu’en quelques années, nous sommes passés de plus de 500 vacheries abritant plus de 8000 vaches à 200 comprenant seulement 3000 animaux. Je vois bien que votre profession est en train de disparaître du paysage parisien et qu’il faut faire quelque chose. »
J’arrive à le convaincre de me laisser en paix, que son dossier est « entre de bonnes mains, je vous assure ».
Quand il me quitte, je regarde à nouveau la note préparée par les services de la préfecture. En fait, la situation est désespérée :
La spéculation foncière conduit les vacheries à être toutes rachetées par des promoteurs lorsque les propriétaires décèdent. De surcroît, les mauvais salaires versés aux garçons vachers entraînent une pénurie de personnel dans le secteur qui empêche une production régulière. Pour finir, la concurrence des grandes laiteries de province qui fournissent un « lait voyageur » (c’est comme cela qu’on dit à Paris) beaucoup moins cher, porte un coup fatal à cette activité atypique de la Capitale.
Enfin seul dans mon bureau, je fais un dernier test entre les deux verres de lait : le « lait voyageur » et le lait « typique de Paris ».
Pour bien me concentrer, je prends mon temps et ralentis ma respiration. Je ferme les yeux et j’avale à toutes petites gorgées :
Non décidément, aucune différence.
Dossier classé.
La délocalisation et la spéculation foncière, déjà…
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Les vacheries sont elles toujours bien actuelles et pas près de disparaître à Paris. Quand a fermé la dernière laiterie parisienne ?
J’ai travaillé dans une imprimerie en banlieue parisienne où on m’a expliqué l’origine du nom du quartier « La Ferme ». C’est au sein du périmètre de cette imprimerie qu’était située l’auge à laquelle s’abreuvaient les vaches. Le quartier a été rasé. Dommage le patrimoine de la ville qui a disparu en même temps.
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Lait de ville et lait des champs…bien loin de l’ajout de mélamine!
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