Je pars ce soir dans le train de nuit Orient Express…
» Savoir ce qui se passe là-bas, faire des propositions pour réorganiser notre action diplomatique dans ce pays et mieux affirmer la place de la France. »
Je pars pour Constantinople. Tout est secret. Même Stephen Pichon, le ministre des affaires étrangères n’est pas informé de ce déplacement commandé par G. Clemenceau directement.
Le 2ème bureau et plus précisément le service de renseignements du colonel Dupont m’assistent dans la préparation de ma mission. Ils me fournissent (beaucoup d’) argent, cartes (détaillées), (faux) papiers et s’occupent de mon hébergement sur place. Ils sont en relation avec les puissants services secrets turcs pour que des contacts discrets puissent avoir lieu, là-bas, avec ceux qui comptent dans cet Empire en déclin.
Je reste à Constantinople (les Turcs disent Istanbul et comme tous les occidentaux, je n’arrive pas à m’y faire) jusqu’à dimanche. Je pars en Orient Express ce soir.
Tout le voyage pour réviser ce qu’il faut savoir sur la Sublime Porte :
– un Etat affaibli depuis sa défaite contre la Russie en 1878 qui a donné lieu au désastreux traité de Berlin signifiant la perte de ses territoires balkaniques ;
– un sultan autocrate Abdül-Hamîd II tentant de moderniser son pays par la force et qui vit dans son palais impérial de Yildïz entouré de ses seuls courtisans et d’un réseau d’espions ;
– un mouvement d’opposition dit » Jeunes Turcs » qui s’efforce de prendre le pouvoir notamment en Macédoine ;
– un immense pays avec une culture multiséculaire et des ressources qui font de nombreux envieux (l’Empire des tsars et l’Angleterre notamment) ;
– une capitale qui vit des mille feux d’une belle époque dans les quartiers riches, animés et cosmopolites de Beyoghlu.
Je pars la tête farcie de chiffres et d’informations stratégiques… et le coeur empli de rêves d’un Orient compliqué et fascinant.