16 juin 1908 : Le baccalauréat a-t-il encore une valeur ?

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Le baccalauréat en 1908. Cet examen a été créé par un décret de Napoléon 1er, daté du 17 mars 1808. Il a donc cent ans cette année et n’a pas vraiment bien vieilli.

J’imaginais le personnage peu sympathique. Il avait été anti-dreyfusard, il appartient maintenant à l’Action française. Autrement dit, nous n’avons pas les mêmes opinions.

J’avais donc une certaine appréhension à devoir converser avec lui dans un repas de famille organisé ce jour. Jules Lemaître – un nom prédestiné pour ce professeur à la faculté de lettre et académicien – est parent de l’un de mes beaux-frères.

Le sujet de conversation de fin de repas aurait pu -de surcroît – dégénérer. Une tante, maladroite mais pensant suivre l’actualité, avait lancé le thème du « baccalauréat ». La malheureuse ! Depuis la réforme de 1902, les conservateurs – comme Jules Lemaître – critiquent le nouvel enseignement qui permet d’obtenir le  fameux diplôme sans avoir fait de latin. Pour eux, les 6000 à 7000 lauréats annuels ne détiennent plus qu’un parchemin dévalorisé par rapport à celui qui était délivré au milieu de XIXème siècle.

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L’académicien, professeur et critique dramatique Jules Lemaître

En fait, la réflexion de Jules Lemaître est plus subtile que je ne croyais. Il a suivi de près le rapport qui a conduit à la réforme de 1902. A ce moment, les conclusions des experts étaient sans appel : l’enseignement public du secondaire prenait l’eau de toute part : les effectifs baissaient au profit de l’enseignement privé ; les méthodes d’éducation imitaient grossièrement celles des jésuites sans arriver aux même résultats d’excellence ; les enseignants souffraient de démotivation.

 » La réforme s’imposait !  » s’exclame Jules Lemaître,  » il fallait permettre à des étudiants de réussir sans passer exclusivement par les lettres classiques. Pour rentrer en faculté de droit ou de médecine, le baccalauréat ne doit pas tourner qu’autour du latin et du grec. L’enseignement des mathématiques, des sciences, des langues vivantes ou des auteurs récents a du bon. »

Il ajoute :  » Le vrai problème n’est pas là. Il faut absolument que nos jeunes gens reprennent le goût d’apprendre. Or, l’examen de fin de lycée se transforme trop en révisions hâtives et stériles, en cours appris par coeur mais mal compris. Nos jeunes gens n’ont plus la joie de découvrir de nouvelles connaissances et leurs enseignants perdent le goût de les transmettre !  »

Je dois reconnaître qu’il n’a pas tout à fait tort. Le baccalauréat continue à être une machine à sélectionner une élite bourgeoise, très restreinte et presque exclusivement masculine. Il faudrait ajouter que la quatrième et nouvelle section D « sciences-langues » n’a pas le même prestige que les filières A (latin-grec), B (latin-langues) et C (latin-sciences). Les meilleurs élèves continuent de se diriger vers ces trois sections plus traditionnelles. Et leurs professeurs, souvent agrégés de lettres classiques, ne cessent de leur répéter :  » hors du latin, point de salut ! « .

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