Finale de coupe en Angleterre dans les années 1900
En voilà un beau sport : le football. Des règles assez complexes qui conduisent le joueur à une bonne maîtrise de soi, un espace clos qui permet de concentrer le spectacle sur un endroit donné, de la rapidité, de l’adresse et de l’endurance.
En Angleterre, le football a été, jusque dans les années 1870, le sport des élites, des public schools du Sud. Il fallait que les jeunes gens de la bonne société apprennent à maîtriser leurs pulsions, à contrôler leur énergie et à travailler des gestes techniques sur un terrain relativement étroit appartenant à leur lycée.
La virilité était magnifiée mais à condition de respecter les codes de ce sport. Les élèves pouvaient se dépenser physiquement mais en restant des gentlemen. L’objectif n’était pas forcément de gagner mais plutôt de réaliser de « beaux gestes » et de perpétuer une communauté sportive soudée autour de valeurs communes.
A partir des années 1880 et au delà, le football s’est diffusé sur toute l’Angleterre et les licenciés ont commencé à appartenir au peuple.
La volonté des dirigeants anglais a dès lors été de canaliser la violence populaire potentielle, de privilégier l’adresse par rapport à la force qui devait demeurer contenue. Les ouvriers des usines, les dockers, les employés des entrepôts ont commencé dès lors à se passionner pour le ballon rond en cuir.
Les grandes entreprises, les paroisses, ont fait émerger des équipes dont la célébrité est devenue nationale : depuis les années 1890, 1900, les Anglais connaissent tous les « onze » d’Aston Villa, d’Everton ou de Birmingham.
Le monde de l’argent a rejoint celui du football à ce moment là. A partir de 1880, certains joueurs se sont faits rémunérer par des patrons qui appréciaient l’image du sportif. En 1890, les paris sur le résultat des matchs se sont généralisés. Le football est devenu donc un sport qui admet le professionnalisme (plutôt dans le nord du pays) et qui peut générer des gains importants pour les parieurs et surtout pour ceux qui organisent les paris. Les tenants du sport amateur élitiste du sud de l’Angleterre, déplorent cette situation mais ne parviennent guère à se faire entendre.
Depuis 1880, les joueurs professionnels, au nombre de 1500, sont regroupés dans la Football League et les Britanniques applaudissent des joueurs qui se comportent comme des vedettes. Le football peut servir à l’ascension sociale et ceux qui réussissent servent de modèles aux couches populaires. Leur talent sur l’herbe verte fait rêver des milliers d’ouvriers anonymes, astreints à des travaux pénibles et répétitifs.
Bref, le football est un sport pour l’élite comme pour le peuple. Il donne de l’énergie à des régions entières et exalte le goût de l’effort.
Pas de chance, ce sport peine à franchir la Manche.
Il fait quelques débuts remarqués, depuis une trentaine d’années, dans des ports comme le Havre mais reste, sur le reste de notre territoire national, l’apanage de quelques grands bourgeois. Le footballeur en France demeure un lycéen, un protestant, un négociant juif ou un fonctionnaire. Nos rares équipes sont donc incapables de rivaliser sérieusement avec celles de la Football League. Everton peut écraser n’importe quelle formation gauloise par plusieurs dizaines de buts d’écart.
La France ne se rappelle plus que le football est pourtant né en bonne partie chez elle. On l’appelait la soule ; c’était violent et volontier spectaculaire. Nous autres Français avons oublié que nous savions fort bien jouer à ce jeu sous l’Ancien Régime.
Aujourd’hui, quand nous jouons contre une équipe anglo-saxonne, nous sommes condamnés à aller fréquemment chercher le ballon… au fond de nos filets et nous perdons sur des scores sans appels. La France n’est pas douée pour le football !