1er mai 1917 : Se vider la tête

Une aussi longue guerre… Que de morts, que d’horreurs, que de sang et de souffrances ! Ces dernières années auront été atroces. Plus envie d’écrire et de jeter sur le papier mes vains états d’âme. L’impression terrible d’être broyé par l’Histoire, qu’il ne restera aucune trace de nous et qu’il ne sert à rien de témoigner.
Ce conflit ne s’arrêtera donc jamais ? Au bout de combien de décès le général Nivelle cessera-t-il ses offensives ? A partir de quand les Allemands vont-ils renoncer à occuper notre territoire dans cette guerre que ni eux, ni nous ne pouvons gagner ?
Le découragement peut-il mener à la paix ? Quand mon fils va-t-il revenir ? Cette peur permanente de voir, un matin, un gendarme frapper gravement à la porte de mon bureau de l’Elysée pour m’annoncer une si triste nouvelle le concernant… Quand je lis une de ses lettres – il fait un vrai effort pour nous raconter son quotidien d’aviateur – je me dis que peut-être, au même moment, il est au mauvaise posture après un combat aérien raté.
Et non, je ne peux pas faire part de mon pessimisme. A personne. Sauf peut-être à ce journal.
Ce dernier sentiment, dans mon poste auprès du chef de l’Etat, serait considéré comme de la quasi-haute trahison. Alors je me tais. Je continue à travailler d’arrache-pied à cette victoire qui ne vient décidément jamais.
Actuellement, je traduis toutes les informations qui nous viennent de Russie et surtout je m’occupe de la succession de Maurice Paléologue, ami et dévoué ambassadeur à Saint-Pétersbourg, en ces heures trafiques de révolution. Ce dernier quittera définitivement la capitale aux mains du Soviet dans les prochains jours et il faut que je propose un nouveau nom de représentant de la république française au président de Conseil Alexandre Ribot.
Et puis, si nous pouvons trouver une place digne et gratifiante pour Maurice, ce serait mieux. Après un poste aussi prestigieux que celui d’ambassadeur dans une grande puissance, il faudra voir grand.
Je m’occupe. Je me vide la tête dans l’action.
Coordonner l’entrée en guerre des Etats-Unis à nos côtés, avoir un oeil sur le haut Etat-major, travailler en confiance avec des personnalités aussi différentes que Pétain ou Foch, garder un lien avec Clemenceau qui prend de plus en plus de poids… Un emploi du temps toujours aussi chargé qui m’évite de trop penser.

La capitale russe rebaptisée Pétrograd est en proie à une effervescence incontrôlée. Le Soviet a pris le pouvoir mais l’anarchie règne.

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