Nous avons fait le bon choix : André Tardieu.
Ce brillant inspecteur général du ministère de l’Intérieur, devenu député de Seine-et-Oise en 1914, a longtemps écrit dans le Temps des articles incontournables et très lus dans les capitales du monde entier, sur notre politique étrangère. Il est un des rares français à bien comprendre les arcanes de Washington depuis qu’il y a été reçu, dans les années 10, par Theodore Roosevelt, alors président.
Chacun sait qu’André – nous sommes tous les deux amis de Clemenceau, anciens de Condorcet et de Normale – se révèlera capable d’y défendre les intérêts de la France. Notre pays a en effet besoin de tout ce que l’Amérique peut produire : le blé ou le sucre pour nos villes, les machines outils pour l’armement, les dollars à emprunter massivement, l’essence et surtout des soldats en nombre.
Tardieu doit aider les Usa à se transformer de façon radicale à notre profit. Ses conseils judicieux pousseront une Amérique immense mais enfermée depuis longtemps dans l’isolationnisme, dotée d’une armée de terre si réduite (quelques dizaines de milliers d’hommes), si peu équipée, qu’elle reste toute juste apte à protéger sa frontière mexicaine, à entrer de plain-pied dans le plus grand conflit de tous les temps.
T. Roosevelt disait qu’il rêvait d’une Amérique « discutant calmement mais avec un gros bâton à la main ». C’est ce gros bâton qu’André va aller chercher outre-Atlantique. Ce « big stick » est le seul à même de nous permettre de finir la guerre.
Je finis la rédaction de l’instruction à la signature du président du Conseil Ribot : en juin, les premières unités du corps expéditionnaire américain – CEA – doivent impérativement débarquer à Saint-Nazaire. J’envoie en outre un télégramme : « André, débrouille-toi, il nous faut 100 000 hommes d’ici 6 mois et un million dans un an ! Ramène-nous vite l’aigle américain dans tes valises ! »
