« On va à la gloire par le Palais, à la fortune par le marché et à la vertu par les déserts ». Voilà ce que m’a répondu mon ami Paul Claudel, ancien consul de France à Fou Tchéou puis Tien-Tsin, quand je lui ai demandé où il souhaiterait être nommé pour son prochain poste. Cela ne m’a guère aidé. Une grande ambassade où il occupera une fonction subalterne ou un consulat européen où il peut espérer le poste de consul ?
Paul Claudel s’est inspiré de sa passion pour la belle Rosalie Vetch, lors de son séjour en Chine, pour composer son drame en trois acte » Partage de Midi ».
Londres, Francfort, Berlin, Christiana, Saint-Pétersbourg ? Le ministre des Affaires étrangères Stephen Pichon demande l’arbitrage de la Présidence du Conseil et me transmet un avis réservé sur l’intéressé. La vie privée de Paul Claudel à Fou Tchéou -est-il écrit- a choqué la communauté européenne expatriée : le jeune diplomate s’est pris de passion pour une femme mariée (Rosalie Vetch) rencontrée sur le paquebot assurant la liaison avec la Chine, l’a hébergé ainsi que toute sa famille au consulat et a entretenu, selon toute vraisemblance, une relation adultère.
Je balaie d’un revers de main ce rapport sans grand intérêt qui reflète bien la médiocrité de certains des collaborateurs de Pichon.
Pendant l’après midi, j’établis une note qui remplace ce document du Quai, en proposant une nomination à Prague. Plutôt que de parler de la vie privée du diplomate, j’insiste sur ses qualités d’écrivain qui s’épanouissent plus dans un poste calme de consul que dans une ambassade exposée aux tumultes de relations diplomatiques intenses. Je rappelle qu’il ne souhaite plus être nommé à nouveau Chine. « Cet Empire est dévoré par la vermine, l’impôt foncier perçu est de 400 millions de taëls : 28 millions parviennent au gouvernement impérial. Le reste est mangé par les parasites » m’expliquait-il encore récemment. Je m’efforce d’être d’autant plus convaincant que je sais qu’une mission hors d’Europe empêcherait mon ami de rendre suffisamment visite à sa pauvre sœur Camille, artiste géniale qui sombre actuellement dans la folie paranoïaque et la misère.
A la relecture de ma prose, je repense à cette phrase lapidaire de Paul : « la crainte de l’adjectif est le commencement du style ». J’en profite donc pour supprimer plusieurs mots ou membres de phrases inutiles ou redondants avant de transmettre le tout à la secrétaire.
Je retourne à ses rédacteurs, en le barrant de deux larges traits rouges, le document venant du Quai en ajoutant comme commentaire en face du paragraphe sur la liaison jugée scandaleuse de Paul, ces quelques mots qu’il m’a un jour confiés : « La possession détruit ce qu’il y a de plus sublime dans la passion. »
Une Chinoise de Fou Tchéou
De qui est ce texte ? Je n’ai pu découvrir le nom de l’auteur . Merci d’y répondre
J’aimeJ’aime
Ce texte est fort probablement dû à Philippe Berthelot, qui, avant de devenir Secrétaire Général du Quai d’Orsay, s’était officiellement rendu à Foutchéou alors que Claudel y vivait sa passion avec Rosalie Vetch.
Berthelot et Claudel se sont dès ce moment lié d’amitié, un lien très fort que seule la mort du premier des deux viendra briser.
Pour plus de détails, voir la biographie « CLAUDEL » par Marie-Anne Lescourret (« Grandes biographies », Flammarion, 2003).
Bien à vous !
J’aimeJ’aime
Sachez que Stefen Pichon a été, – comme l’a été aussi Claudel – témoin du mariage de Philippe Berthelot avec Hélène Linder. !
J’aimeJ’aime