Ma nièce, émigrée aux Etats-Unis, fait encore des siennes. Sa dernière lettre m’avait pourtant rassuré : elle était devenue l’assistante d’une photographe de grand talent, Gertrude Käsebier et s’initiait à ses côtés à une technique complexe en passe de devenir un art.
Elle m’annonce aujourd’hui qu’à l’occasion d’une exposition sur Boston, elle s’est entichée d’un jeune diplômé de la Latin School, étudiant à Harvard, un certain Joseph Kennedy.
Elle me le décrit comme séduisant, ambitieux, sportif (il pratique le base-ball) et plein d’humour.
Le séduisant Joseph Kennedy aura neuf enfants avec Rose Fitzgerald… dont un certain John.
Voici la lettre que je lui poste ce jour :
« Ma chère nièce ,
J’ai bien reçu ton courrier où tu m’annonces ta passion amoureuse pour un jeune américain d’origine irlandaise, Joseph Kennedy.
L’oncle protecteur que j’ai toujours été pour toi est conduit à te mettre en garde par rapport à cet élan de ton cœur que je sais généreux… mais encore tendre.
J’ai pris mes renseignements auprès de notre consul sur place sur ce fameux Joseph. Son père, originaire d’une famille d’Irlandais immigrés affamés, ancien portefaix sur les quais de Boston, a fait fortune en achetant et développant des bars dans des quartiers pas toujours huppés. Il s’est aussi fait remarquer dans le commerce du whisky. Bref, on ne peut dire que cet homme, sans doute très entreprenant, pratique des activités propres à en faire un intellectuel ou un artiste comme tu les aimes. Il tente aujourd’hui de donner une éducation raffinée à son fils Joseph en l’inscrivant dans les meilleurs établissements de la ville que sont la Boston Latin School puis l’Harvard College. Cela ne suffira pas à faire tomber les barrières sociales érigées par les vieilles familles bostoniennes, protestantes et d’origine anglaises, fières de leurs racines qui remontent à l’Indépendance.
Ton Joseph a sans doute peu d’avenir dans ce monde méprisant les Irlandais (réputés alcooliques) qui le regarde de haut. Comme Française, il vaut mieux que tu cherches un beau parti, mieux intégré dans cette société américaine, pas aussi ouverte que certains le prétendent.
En outre, il semble que la famille Kennedy a d’autres ambitions pour son rejeton. On me dit qu’il devrait se fiancer avec Rose Fitzgerald, une autre Irlandaise, fille du maire de Boston.
Ne viens pas te mêler de ces stratégies familiales complexes, pour nous Français et laisse donc ces Irlandais sans avenir entre eux. Concentre-toi sur ta carrière artistique qui s’annonce plus prometteuse.
Ton oncle qui t’aime. »
Cher ami,
Votre nièce semble être une personne bien indépendante, et intrépide. A votre image. Une de mes jeunes cousines, en goguette aux Amériques, m’a justement écrit aussi. Elle est dans le sud, en Louisiane, et a rencontré (me confie-t-elle) l’homme de sa vie ! Robert Oswald… Un inconnu, qui ne semble pas avoir réussi comme ce Joseph Kennedy. Si cette amourette devient sérieuse, sans doute auront-ils des enfants, là bas, au pays des rêves…
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Et comment s’appelle-t-elle votre nièce?
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L’heure des parcours
Les reflets s’accordent
Depuis l’aube de l’instinct
La vitesse seule
Perdure
Le désir primordial
La toile de fond
Ce siècle
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