« C’est anglais mais on dirait des nouilles ! »
Les passants parisiens qui découvraient les toutes nouvelles entrées du Métropolitain édifiées par Hector Guimard n’étaient pas toujours tendres pour cette manifestation du « Modern style », pour cet Art nouveau qui avait pourtant pour but de réconcilier la technique et l’art.
Une entrée de Métropolitain édifiée par Hector Guimard. Cet article est la suite de l’abécédaire sur notre époque commandée par la direction du journal Le Temps.
Des fleurs, des tiges, du métal qui se tord en volutes multiples, des références incessantes à la nature, du verre teinté et monté en vitrail… l’Art nouveau plaisait à de nombreux jurys d’architecture mais peinait à conquérir le public français qui continuait à l’appeler « Modern-style » rappelant que l’un de ses premiers créateurs -William Morris – est anglais.
Un concept intéressant – faire rentrer l’art dans la vie quotidienne en rendant beaux les objets usuels et diffuser un style audacieux dans l’architecture qui irrigue ensuite la peinture et la sculpture – ne suffisait pas à séduire les yeux de nos compatriotes qui préféraient des lignes droites classiques ou des références explicites à l’Antiquité.
Autour de 1900, l’Art nouveau se répandait donc à Bruxelles, Munich, Nancy, Londres, Barcelone ou Prague et contournait trop souvent notre capitale récalcitrante.
Victor Horta restait en Belgique et il fallait parcourir de nombreux kilomètres pour visiter ses hôtels magnifiques.
Ces dernières années, les amateurs d’Art nouveau commençaient pourtant à se compter plus nombreux dans les grandes villes françaises. Trop tard. Les regards des collectionneurs avertis se tournent déjà vers d’autres formes d’art comme la peinture sous forme de cubes et le fauvisme, plus décoiffants encore.
Au moment où ce Modern Style commence à se démoder chez les mondains, il se diffuse dans les élégantes affiches de Mucha. Il préside à la rénovation de nombreux cafés et envahit nos intérieurs avec des objets dessinés directement par Emile Gallé ou Victor Prouvé ou, plus souvent, inspirés avec un bonheur variable, de leurs créations. Les illustrations de nos journaux ou les livres pour enfants sont envahis par des thèmes et une technique de dessin issus du Modern style.
Au moment où les élites se tournent vers d’autres écoles, les « nouilles » deviennent… un vrai plat populaire.