Poste de Télégraphie sans fil (TSF) dans un navire transatlantique
» Diable ! Il faut soutenir Ferrié. Le ministère des Finances va le manger tout cru ! « . La consigne de Clemenceau est claire. Je dois voler au secours du capitaine Ferrié, pionnier français de la Télégraphie Sans Fil.
De quoi est-il coupable pour le ministère en charge des deniers publics ? Il propose des projets de plus en plus coûteux, dont l’intérêt militaire ne saute pas aux yeux des bureaucrates de la rue de Rivoli.
Ferrié a compris depuis longtemps que la force des armées modernes, en cas de conflit important, repose sur leur capacité de coordination. Il faut que l’Etat major sache à tout moment où se situent ses unités et que les mouvements des régiments des différentes armes soient coordonnés.
Pour cela, Ferrié propose ni plus ni moins d’utiliser la Tour Eiffel comme antenne gigantesque pour transmettre sur une longue distance des ondes vers des appareils de réception détenus par des unités militaires à des centaines de kilomètres plus loin.
Si M. Eiffel est ravi de ces expériences – ainsi sa Tour ne sera pas démontée – le ministère des Finances n’apprécie guère ces dépenses engagées sur des démarches imprécises, aux coûts exponentiels.
Antennes TSF sur la Tour Eiffel
Lorsque je rencontre Ferrié, j’ai le plaisir de discuter avec un passionné. Il me raconte, par le menu, le combat administratif qu’a déjà dû engager la Marine nationale pour que 130 de ses navires soient équipés d’un poste TSF avec le brevet de M. Marconi. La rue de Rivoli ne voulait rien entendre non plus sur ce sujet jusqu’à ce qu’elle découvre que si l’un des navires sombrait (par exemple lors des manoeuvres dangereuses au nord de Terre Neuve), il serait bon que d’autres bâtiments puissent se dérouter pour venir porter secours aux naufragés.
Je prends en main moi-même la nouvelle négociation avec les Finances. Ferrié a fini par se fâcher, la négociation avec l’armée est au point mort ; je suis donc le seul, comme représentant du Président du Conseil, à pouvoir prendre le relais.
Pour convaincre le sous directeur qui bloque depuis longtemps le dossier, je me rappelle soudain qu’il aime beaucoup la musique classique et qu’il est plus original qu’il ne veut bien le laisser paraître.
Je n’axe donc pas mon argumentation sur le rapport coût/efficacité comme il s’y attend mais … sur le rêve.
Comme on conte une belle histoire, je lui parle de l’expérience de radiotéléphonie qui s’est déroulée la veille de Noël 1906 : un opérateur radio TSF, embarqué à bord d’un navire en mer des Caraïbes a pu entendre sur son poste un poème, puis le chant d’une femme et enfin un solo de violon. Cette expérience menée par Fessenden a fait grand bruit outre-Atlantique.
» Un solo de violon, au milieu de l’Atlantique ? » s’écrie, ravi, mon sous directeur du budget, » … mais c’est merveilleux votre truc ! « . Son regard n’est plus à ce moment celui d’un fonctionnaire revêche mais celui d’un gosse qui contemple un jouet en bois dont il rêve depuis des mois.
La partie est gagnée. Les financements tant attendus par l’armée arrivent. Notre marine et notre armée de terre auront tous les postes TSF qu’elles veulent.
Ne le répétez pas : j’ai promis au sous directeur de la rue de Rivoli que les postes TSF diffuseraient chaque soir aux militaires, si cela est techniquement possible … un solo de violon.
Bonjour,
Je souhaiterais savoir qui est l’auteur de cette lettre et à qui elle s’adresse. Ou qui est l’auteir de cet article ? Merci.
JMG
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