Chassériau, « Intérieur de Harem »
Exotisme, Orient lointain, lieu mystérieux invitant aux fantasmes. Le harem !
Aucun occidental n’a réellement franchi les portes d’un véritable harem. Mais que d’imagination sur cet endroit qui peut renvoyer à un désir inavoué ! La femme parée, belle et soumise au désir du mâle mais aussi la discrète sensualité entre belles, l’attirance des recluses entre elles.
La blancheur de la peau de l’esclave élue d’une nuit, le hâle des servantes la mettant en valeur dans une pénombre silencieuse où le temps s’arrête.
Le progrès, les nouvelles machines sont loin, tenues à l’écart. Seule reste la beauté des corps, prêts à s’unir sans honte, sans pudeur. Le choix d’une union sans explications, un plaisir à prendre sans mots pour le mériter.
Une respiration dans une morale bourgeoise chaque jour plus prégnante. La nostalgie d’un monde, d’une civilisation raffinée disparue pour une société de plus en plus complexe. Un refus de la technique et de l’industrie qui, dans l’usine ou la mine, cessent de servir l’humanité pour l’asservir.
Dans ce Levant imaginaire, le rapport entre les sexes reste inégal, injuste mais simple à comprendre pour des hommes qu’inquiètent la montée – légitime – des revendications actuelles des femmes.
Le tableau de Chassériau date d’une cinquantaine d’années déjà et rencontre un public toujours plus large. Le peintre avait vu juste dans la mentalité d’une époque dont le regard porte au loin sans que personne ne comprenne bien où ses pas le mènent.
Une société avide de progrès, qui en craint pourtant déjà les débordements prévisibles.
Vous aussi, venez un soir, une nuit, dans vos rêves, vous réfugier dans un passé simple, un Orient mythique au parfum capiteux où l’intelligence n’a pas encore mis fin à l’empire des sens.