Ses formes arrondies et fines, sa chevelure légèrement dénouée, son épaule et le haut de son dos dénudés, des traits réguliers, la femme de Mucha, s’éveille déjà fraîche, vit sa journée pleine d’éclats et rejoint heureuse le monde des songes.
Le peintre tchèque, longtemps la coqueluche du Tout Paris, nous plonge dans un monde merveilleux de douceur et de couleurs pastels. Le drapé des étoffes se décline en plis infinis soulignant la beauté du corps féminin. Les motifs floraux et les spirales enchâssent la belle qui s’endort dans un monde de quiétude retrouvée.
Les colonnes Morris ont longtemps exhibé les affiches de Mucha représentant Sarah Bernhardt pour la reprise de Gismonda de Victorien Sardou. L’actrice y était magnifiée, son âge effacé et son image ensorcelait les passants comme elle savait le faire sur scène.
Je fais partie de ceux qui, discrètement et nuitamment, ont découpé des affiches de Mucha collées sur des murs anonymes, pour, pieusement, conserver à domicile un souvenir de ces lithographies enchanteresses.
Une salle de bain accueille « L’Eveil du Matin » et dans notre chambre se font face » La Rêverie du Soir » et « Le Repos de la Nuit ». Notre salon est égayé par « Les Heures du Jour ».
J’ai gardé aussi cette affiche d’il y a une dizaine d’années représentant Médée, jouée par Sarah Bernhardt au Théâtre de la Renaissance et mise en scène par Catulle Mendès. Je n’ai pas pu mettre sur un mur dans notre appartement cette représentation d’une scène tragique de la mythologie antique : Médée, qui aime Jason, tue leurs deux enfants en apprenant son infidélité.
Parfois je déroule à nouveau le document pour me rappeler cette pièce à succès et je croise à nouveau le regard égaré de cette mère qui a tout perdu, cette vision de cauchemar où l’on voit l’enfant sans vie gisant à terre et la dague encore ensanglantée, arme d’un crime inimaginable.
Notre « doux » Mucha sait transformer le lait … en sang.
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