» Il ne va tout de même pas faire marcher sa machine dans la journée !
– euh, eh bien, tu préfères la nuit ? »
La discussion avec ma femme sur l’avenir de Nicolas est animée. Nathalie a légitimement un peu de mal à digérer l’installation d’un moteur de Panhard Levassor dans la chambre de notre fils aîné Nicolas. Et de le voir plongé dans la mécanique automobile durant toute la sainte journée plutôt que de revoir ses cours de Condorcet pour réussir son baccalauréat, la crispe fortement.
Pour ma part, je comprends mieux notre fils – moi aussi, je me suis profondément ennuyé lors de mes années de lycée – et j’ai fait peut-être plus rapidement mon deuil de l’avenir tout tracé que nous imaginions pour notre grand de 18 ans.
Il n’intégrera pas, comme son papa, le Conseil d’Etat ? Et alors ? Sera-t’il plus malheureux pour autant ?
Et puis, ce que j’aime chez Nicolas, c’est cette passion persistante pour l’aéronautique qui demeure son objectif ultime. L’automobile qui lui prend beaucoup de temps actuellement n’est en fait qu’un tremplin pour décoller un jour aux commandes d’un aéroplane.
» Pour être accepté dans le monde des pilotes d’aéronefs, il faut que je sois avant tout un bon mécano ! » ne cesse-t’il de me répéter, sans même lever la tête du moteur qui prend une place centrale au milieu de sa chambre.
La discussion avec ma femme s’est arrêtée. Un ange passe. Le sourcil froncé, elle pèse le pour et le contre. Enfin, elle lâche ces phrases pleines de sagesse :
» Comme je le répète souvent, je veux avant tout son bonheur. Mais qu’il se donne, alors, les moyens de ses ambitions. Si c’est l’automobile et les appareils volants, après tout, pourquoi pas ? »
Puis, plus terre à terre : » néanmoins, sa machine Panhard, tu comprends, je ne veux pas l’entendre ronfler dès potron-minet. Une heure par jour me paraît un grand maximum. En outre, il ouvrira régulièrement les fenêtres et aèrera, parce que les odeurs d’huile et d’essence, très peu pour moi ! »
Elle ajoute, aussi prudente que prévoyante : « … et je ne souhaite pas le voir faire monter son frère et sa sœur dans son futur aéroplane ! «
C’est gagné. Nous avons réussi à nous rejoindre sur une position commune, Nathalie et moi.
Comme pour fêter cet accord parental, un vigoureux et long » pouët, pouët » de Klaxon retentit dans tout l’appartement, en provenance du fin fond de la chambre de Nicolas.
Nathalie se tait, d’abord surprise d’entendre ces notes aussi stridentes que disharmonieuses, puis me regarde dans les yeux, taquine et même prête à éclater de rire : » tu avais su être un bon avocat pour l’histoire du moteur, je te laisse, mon cher Olivier, me trouver les arguments pour ce nouveau… comment dire… débordement sonore ? «
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