Ce 16 mars 1914, elle a vidé le chargeur de son pistolet Browning 33 sur celui qui était devenu pour elle la bête à abattre, le monstre transformant sa vie en cauchemar. Au moment de l’acte criminel, elle se rappelle avoir vu la stupeur puis la douleur dans les yeux de sa victime ; elle n’oublie pas non plus ses deux mains en avant, barrage dérisoire, comme s’il pouvait arrêter les balles mortelles.
Six coups de feu et elle a fait basculer dans la mort Gaston Calmette, le patron du Figaro, qui, lui, avait fait basculer sa vie dans l’horreur, trois mois plus tôt.
Elle a lu, parfois en larmes, plus d’une centaine d’articles infâmes sur son mari, le ministre des finances Joseph Caillaux. Elle veut le défendre, le venger et ne supporte plus les accusations toutes plus dures les unes des autres : manipulation, corruption, trahison de ses idéaux et de ceux de son parti, vie privée blâmable… Où vont-ils chercher tout cela ?Une campagne de presse longue, inédite, acharnée, sans aucune relâche. Gaston Calmette a organisé, estime-t-elle, une véritable traque contre son époux.
Six coups de feu dont quatre dans la cible et le corps de Calmette a basculé en avant. Un cri bref, le bruit de la chute brutale et d’une chaise qui s’est renversée au même moment. Enfin le silence, après que le corps se soit stabilisé sur le parquet du bureau appartenant au patron de presse.
Henriette Caillaux a alors laissé tomber l’arme et a attendu, pétrifiée par son acte, hébétée et vide, presque soulagée aussi.
C’était la fin ! Il avait payé, l’écrivaillon, le plumitif, celui dont elle crachait avec dégoût le nom depuis des semaines : le salaud. Il semblait, certes, respirer encore mais si faiblement : Calmette avait son compte.
______________________________________________________
Nous sommes le 8 avril, à la prison Saint-Lazare.
La prison Saint-Lazare où est détenue Henriette Caillaux, en attendant son procès
Henriette me conte pour la première fois, d’une voix étonnement calme, ces instants tragiques que ne cesse de commenter le Tout-Paris, éberlué.
À la fin de son récit, elle me regarde, presque implorante : » Vous restez mon ami, Olivier ? »
Je réponds dans un souffle, en mettant ma main sur son avant-bras, touchant presque sa peau si fine, que je trouve si blanche : » Je suis là, Henriette, je suis là…. »
Quel plaisir de retrouver vos billets ! J’ai bien fait de vous garder au chaud dans mon agrégateur. En 1914 déjà, le bashing…
J’aimeJ’aime
merci, moi aussi, je suis heureux de revenir et retrouver mes chers lecteurs.
J’aimeJ’aime