30 avril 1910 : Le dossier piégé des retraites

Une réforme bienvenue qui pourtant ne satisfait personne. Depuis la loi du 5 avril dernier, nous avons enfin le grand texte sur les retraites, tant attendu, tant repoussé et finalement adopté in extremis par la Chambre.

Pour tous les employés gagnant moins de 3000 francs par an, est prévu un régime de pension obligatoire couvrant les vieux jours à partir de 65 ans.

L’employeur et l’assuré cotisent – chacun 9 francs par an – pour la constitution d’un capital qui sera liquidé, le moment venu, sous forme d’une rente. L’État versera une pension fixe de 60 francs par an et les caisses de secours mutuels ou de retraite complètent cette somme en fonction de la durée réelle de cotisations.

Les critiques fusent de toutes parts et elles sont nombreuses.

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  • Le système est trop complexe. En effet, bien malin celui qui arrive lui-même à calculer de façon fiable le montant de sa future retraite.
  • Il ne profite pas vraiment aux ouvriers. En effet, la pénibilité du travail est telle que de nombreux salariés des fabriques n’atteindront pas l’âge fatidique de 65 ans pour toucher une pension à taux plein. La CGT ne cesse de répéter que l’on vient de créer une « retraite pour les morts » !
  • Les cotisations se révèlent trop lourdes pour les faibles salaires (majoritaires). 9 francs représentent une à deux journées de travail d’un manœuvre et ce dernier n’a souvent aucune possibilité de mettre de côté une telle somme. Les syndicats regrettent que l’impôt ne finance pas plus le système.
  • Les patrons se plaignent d’une nouvelle charge qui alourdit d’autant leurs prix de revient et les affaiblit face à la concurrence.
  • Les pensions risquent d’être maigres et ne peuvent être comparées à celles versées à certains corps de hauts fonctionnaires ou encore moins aux rentes touchées par les « bourgeois » au soir de leur vie.

Dans les usines, certains -patrons et salariés – se mettent déjà d’accord pour ne pas mettre en œuvre la loi ; d’autres examinent toutes ses failles juridiques et se préparent à déposer des recours devant le Conseil d’État ou les tribunaux judiciaires (l’obligation de précompte des cotisations pourrait ainsi être remise en cause).

Cette loi du 5 avril est donc bien mal partie. Dommage, elle est l’aboutissement de nombreuses années de débats publics et vient couvrir toutes les professions qui ne bénéficiaient pas de régimes particuliers (les marins, les militaires, les mineurs, les cheminots ou les fonctionnaires civils ont déjà leur système de pension).

La retraite est, typiquement, le dossier piégé. Il engage des sommes colossales difficiles à mobiliser, il concerne un avenir toujours incertain, il oppose les intérêts divergents des patrons et des salariés. Surtout, il offre de grandes prises à tous les discours démagogiques.

Pour réussir sur ce sujet, il faut être un politique hors du commun. Par sûr que la France ait cela sous la main.

3 commentaires sur “30 avril 1910 : Le dossier piégé des retraites

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  1. C’est assez edifiant en effet, l’histoire se repette..esperons, mais je n’en suis pas certain, que nous ne soyons pas 4 années, avant 1914.

    Notons deux choses cependant: on a installe des sytémes de retraite , cela a favorise un developpement economique et social.
    On nous dit que c’est parce que nous avons plus de croissance que nous ne pouvons faire du social..Peut-etre est-ce parce que nous ne faisons plus de social (a l’echelle de la planete, bien sur), que nous faisons peu de croissance: c’est le rpoblème de l’oeuf et de la poule?La poule a pondu l’oeuf ou l’oeuf a creer la poule?

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  2. On peut signaler que la loi organise là un système de retraite par capitalisation et non par répartition, comme préconisé par les socialistes qui arguait notamment de l’avantage d’une application immédiate possible, puisque les cotisations salariales et patronales sont déposées sur des comptes individuelles propres aux assurés (les salariés futurs retraités, si tout ce passe bien!) et gérés par différentes caisses (syndicales, corporatives etc) qui ont l’obligation des les placer dans les conditions délimitées strictement par la loi (titres étatiques oui – titres boursiers non).

    A terme, les futurs retraités toucheront la somme de leur contribution et celle de leurs différents employeurs grossie des cotisations des salariés morts avant leur retraite, qui seront donc redistribuées, et d’une aide de l’état pour les moins avantagés.

    Bye

    Olivier Stable

    PS : Si vous décelez là quelque coïncidence avec certains grands débats du moment, cela ne sera absolument pas fortuit 🙂

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  3. Pour la petite histoire, le système de retraite par répartition a été imaginé en Allemagne qui a toujours eu une longueur d’avance sur les « systèmes sociaux ». En effet l’industrie y étant plus puissante qu’en France, le nombre d’ouvrier et de prolétaire plus important, le capitalisme Rhénan s’est converti trés tôt en un capitalisme plus « social » et parternaliste pour éviter la contagion socialiste. N’oublions pas que Marx est d’origine germanique et ce n’est pas un hasard, la classe ouvrière y étant la plus importante avec l’Angleterre.
    Quand on expliqua à Bismarck le système par répartition, il éclata de rire et demanda à quel age on devait fixer le départ à la retraite pour être sûr de ne jamais la payer. On lui répondit 65 ans parce que l’immense majorité des ouvriers mourraient avant!

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