« Les artistes sont des rustres ! » s’écrit Robert Pellevé de la Motte-Ango, marquis de Flers, un ancien camarade du lycée Condorcet. Ce fils de sous-préfet a préféré le monde des planches à celui des ministères, les tirades de comédies légères aux discours d’inauguration de nouvelles écoles.
Mon ami Robert, le très distingué Marquis de Flers
Dans la maison familiale de sa femme où il m’a invité, à Marly-le-Roi, il me tient des propos peu amènes sur le monde du spectacle. Comme descendant d’une noble et respectable famille de Normandie, il peine à supporter le « manque complet d’éducation » des acteurs et des auteurs qu’il côtoie maintenant chaque jour.
Anna de Noailles ? « Elle n’écoute qu’elle. Impossible d’en placer une, tellement elle est bavarde. Elle n’enchaîne que de longs monologues. Lorsqu’elle entre dans une pièce, on a l’impression qu’elle la remplit d’un coup totalement et quand elle la quitte, on dirait qu’une foule s’en va ! »
Anna de Noailles, la trop grande bavarde…
Son appréciation la plus dure vise Pierre Loti, l’officier de marine -et fier de l’être – devenu écrivain célèbre et toujours passionné de voyages.
« Il est toujours ridicule à plastronner avec toutes ses médailles, fier comme un paon, la peau du visage poudrée et le menton relevé. Pendant une soirée, il peut s’isoler dans un coin et ne pas décrocher un mot, y compris à ses hôtes, alors qu’il devisait gaiement, en venant, avec le chauffeur du taximètre. Jeux de mots douteux et contrepèteries constituent en outre son fonds de commerce. Victorien Sardou, mon beau-père, l’avait un jour bien remis à sa place… »
Pierre Loti, menton relevé, visage poudré…
Je demande à en savoir plus. Robert ne se fait pas prier : « Loti avait écrit à beau-papa une lettre dont l’adresse était ainsi rédigée : Victorien Sardi, à Marlou. »
Mon beau-père lui a répondu, en commençant son courrier en ces termes : « Mon cher Pierre Loto, Capitaine de Vessie ! »