« L’homme jette un papier par terre, négligemment, puis s’engouffre dans un couloir du Métropolitain, après avoir craché derrière lui ce que l’on pense être une chique. Une dame en robe longue passe au même endroit, dans l’autre sens et essuie, sans le vouloir, avec le bas de son vêtement, ce que notre quidam précédent avait laissé par terre. A deux pas, un balayeur fait tourbillonner de la poussière et semble être satisfait du vaste nuage créé, reflet de son ardeur au travail. Les fines particules en suspension viennent couvrir l’étalage de légumes du commerçant de la rue qui ne se soucie nullement de la question, occupé qu’il est à vider ses détritus dans un caniveau qui n’a pas vu d’eau depuis les grandes pluies de janvier. Une automobile fumante et pétaradante passe alors et écrase le gros crottin laissé par les chevaux du fiacre qui la précède.
Tout cela vous dégoûte, messieurs ? Hé bien, c’est Paris. Ville lumière mais capitale sale que les étrangers comparent à Berlin, Londres ou New-York qui font visiblement mieux que nous. »
J’accueille avec ces quelques mots d’introduction, ce jour, place Beauvau, tout ce que Paris compte de hauts responsables capables d’apporter des idées pour que l’hygiène gagne du terrain dans nos arrondissements.
Le préfet de police Lépine semble s’ennuyer, quant au préfet de la Seine, Justin de Selves, il bavarde avec le patron de la police municipale.
Justin de Selves sera préfet de la Seine jusqu’au début 1911
D’autres têtes moins connues se révèlent aussi plus attentives et pointent les difficultés à surmonter : les sergents de ville se font huer quand ils invitent un Parisien à plus de propreté ; certaines femmes continuent à oublier que la mode a raccourci les robes et qu’elles peuvent abandonner leurs traînes transportant des microbes traînant au sol ; aucun règlement de police n’oblige les commerçants à protéger leurs denrées lorsqu’elles sont exposées sur la voie publique ; le défaut d’hygiène dans Paris empêche la disparition de la tuberculose, de la typhoïde et peut favoriser le retour du choléra…
Le préfet de Selves, toujours dissipé, veut manifestement écourter la réunion. Il lâche soudain, sur le ton de celui qui raconte une belle histoire :
«Cher ami, je sais pourquoi nous sommes ici. Figurez-vous que votre patron, Aristide Briand, a marché hier matin, du pied gauche, dans une énorme déjection canine, en allant au ministère. Depuis, il ne décolère pas contre les services de la Ville, me rapporte-t-on avec insistance. Vous direz donc à monsieur le Président du Conseil, que nous allons créer un service du nettoiement qui aura pour but de rendre enfin notre capitale propre. Et si le ministère des finances nous refuse les crédits pour cette opération, nous augmenterons la taxe sur les chiens. Ils l’ont bien cherchés, les clébards ! »
Le service du nettoiement à Paris en 1910
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Dans toutes les (bonnes) librairies :“Il y a 100 ans. 1910″
Décidément, ce blog me plaît beaucoup ! Il convient tellement bien à ma nature nostalgique, et puis il me rappelle les longues conversations avec ma grand’mère sur sa vie à la « Belle Epoque »…
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Il est vrai que les moto-crottes n’existaient pas encore ! On se demande tout de même pour quelle raison les Parisiens ne se déplacent pas avec ce petit masque protecteur si cher aux Nippons.
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Malheureusement, les indélicats sont toujours légion… on ne compte pas les cracheurs d’un nouveau genre… c’est dégoûtant et me soulève le coeur quand j’en vois un… et l’on est obligé de s’écraser sous peine de se faire agresser par le malpropre.
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